Il ne parle plus qu’en chuchotant. Sa voix monte et descend, portée par un souffle qui ne se démet pas. Le filet est vigoureux mais ténu. Se pencher pour percevoir. Cela commence par un voyage raisonnable avec construction de phrase stable : Il faut que, Comment vais-je, Je sais que : tout va bien ! Ce sont les vocables qu’il y met après qui ne collent pas. Un revêtement qui n’adhère pas à la surface. Quelque chose de bougé, Français langue étrangère ! Et pas qu’un peu, on leur a tordu le cou, aux mots qui suivent. Perdus, éperdus, dans le couloir ils se sont précipités et n’ont pas pris les bons habits. J’enfile les métaphores pendant qu’il continue seul sur le chemin de sa langue. On se regarde chacun d’un côté d’une vitre. Pourtant la voix se déplie dans la langue le souffle des secrets, me fait entrer dans son ressenti, me donne les clés de son intériorité, (il parle, quelle chance !), oui mais nulle serrure, Français langue ajourée. Restent les sonorités, les accentuations, la parole qui témoigne de sa pensée qui continue à mouliner et veut se donner. Dans cette aventure, ne pas lui faire entendre qu’il est insaisi, nu, disparu du miroir, à la fois transparent et opaque. Sa voix dans le désert.