Un carré de plage dans le bitume de la cour de récré où s’égayent en piaillant des enfants libérés du carcan de la salle. Un carré de plage sans la mer, mais le souvenir du goût du sel, et la promesse de châteaux et où si l’on creuse assez longtemps on arrive de l’autre côté de la terre, vraiment, alors qu’essayer dans le goudron, tiens, c’est peine perdue, on est condamné à la surface rugueuse, inflexible, et aux rebonds étiolés de ballons dégonflés. Un carré de sable qui file entre les doigts, de l’enfance qu’on n’arrive pas à retenir, de ce qui s’échappe déjà d’innocence dans le regard des garçons sous les jupes des filles.
Un carré de planches de pin brut, grossièrement retenues par des équerres de métal. Et si l’on creusait assez, c’est le même bitume froid qu’on trouverait.
Un bac à sable où tout tenter sans risque, essayer sans conséquence, tester sans calcul, expérimenter, mettre à l’épreuve : la surface retrouvera demain sa planitude originelle que l’on pourra remodeler.
Parfois le sable humide de la pluie qui vient de tomber est bord de mer à la marée descendante et l’on s’attend à y voir quelques coquillages abandonnés par le reflux. Mais rien.
Après la sonnerie, de retour au pupitre, un rêveur roule encore quelques grains entre ses doigts, et c’est tout le désert qui s’invite et les mirages au loin. Caravanes de Bédouins, avions en perdition, pistes sans fin entre deux oasis, bourrasques de sirocco. Qu’importe la leçon.
La nuit, dans le bac, les animaux du quartier urinent. Et c’est la raison pour laquelle il finira par disparaître, remplacé par un potager pédagogique. Dictature de l’hygiène.
Un carré de plage a disparu.
J’adore ce choix de l’objet et ça me renvoie à tellement de souvenirs !!!
C’est très beau, ça scintille
Oh, ça ce sont les cristaux de quartz dans le sable !
Comme c’est beau, Sébastien. Le monde tout entier contenu dans ce petit espace. Tu le décris très justement à hauteur de gosse.
triste destin, en effet de ces petits mondes où tant a pris place, tu en fait une évocation sans nostalgie mais nous le sommes, nostalgiques, de ce peu de « nature » que les enfants pouvaient il y a peu encore, manipuler à leur guise, et inventer infini,
oui c’est beau cette évocation pleine de nostalgie et tout ça pour arriver à la perte… un peu de tristesse quand même
beaucoup aimé
merci Sébastien
Plein de souvenirs réveillés, la moiteur du sable dans les mains, modelable à souhait, comme votre texte projeté en tous sens, château d’errances dans cet espace étroit qu’on dévale pourtant très loin…
aussi fugace que les grains de sable et que nos vies (en apparence mais les bacs restent en nous)