Papier papillote, petit bout de papier paraffiné plié en deux dans un porte-carte souvent empaumé. Papier papillote tenu serré près des cartes de premières nécessités, cartes bleue, vitale et de fidélité. Papier paraffiné froissé des marques de pliures qui s’impriment sur lui, abandons et marques d’oreillers d’un dormeur souvent oublié. Glissé à l’intérieur, papier paraffiné de papillote en chocolat dont la peau velouté rappelle un hiver et une tablée. Papier papillote gravé d’une citation, choisi parmi d’autres, tenu devant soi, déclamé au sein d’un cercle de mangeurs de chocolat à la bouche pleine et à la diction douteuse. Gardé depuis, plié en deux contre soi, la citation d’un inconnu se découvre à chaque fois qu’une carte sortie à la va-vite laisse deviner un de ses coins racornis. A quoi bon l’avoir tout le temps sur soi, on est grand maintenant, envie de le jeter évidemment. Puis le gras du papier qui effleure et adoucit la décision, et l’œil qui redécouvre les lettres, la phrase et ce qu’elle prend comme air différent à nos oreilles. La relire, comme pour la première fois, à nouveau sur le papier gras marqué, plié au centre sinon quoi. Les mots couchés sur le papier ridé, les mots inscrits, non appris non connus, proches et lointains, des mots sortis du contexte rattrapent l’impulsion et le geste. Le replier en deux, au centre, le ranger, les coins se cornent et s’accrochent au cuir et aux cartes, les premières nécessités s’impatientent. Les coins résistent, hésiter un instant, mais c’est décidé, le garder. Papier tourné côté pliure, adouci de caresses fermes, lissé, se glisse jusqu’à la prochaine fois.
Nous portons en nous
des merveilles que nous
cherchons en dehors de nous
Thomas Browne
Un objet qui porte en lui sa propre disparition par l’usure mais tant pis on le garde au risque qu’il devienne illisible. Merci d’ouvrir cette délicatesse.
Très très joli et très poétique, merci pour ce texte.
De l’insignifiance à la signifiance des choses, c’est là que la mémoire va se nicher pour faire son oeuvre ; j’ai bien aimé le rythme du texte.
Superbe cette poésie et cette délicatesse tant dans l’objet que dans l’écriture. Merci.
J’aime beaucoup le coté gros plan sur le portefeuille, les doigts, le papier et tout ce que porte ce presque déjà perdu, très chouette,
parfait pour être proféré !