Le ventre poli de la crosse. Tout rond. Presque doux. Presque discret. Qui se la raconte pas. Poli quoi. Si seulement il n’était pas accroché là. On ne parlerait pas de lui comme ça. Il pourrait partir et tout recommencer. Il pourrait avoir une vie à lui. Une vie dans des galeries. Pourquoi pas ? Détaché du reste, il pourrait faire ça. S’exposer dans des vitrines. Rencontrer du beau monde. Et si avec tout ça, la mélancolie ne le lâchait toujours pas, il pourrait se rendre. Il ferait comme tous les autres. La queue sur le long tapis. Séparé de son reste. Il avancerait incognito. Il pourrait enfin côtoyer les autres. Sans les effrayer. Les autres du quotidien. Les autres qui n’engendrent pas la souffrance, qui n’ont pas la violence vissée au corps. Il pourrait faire ce drôle de petit chemin, aux côtés des bouteilles vidées de leurs viscères, des pots de yaourt ratatinés, des aspirateurs gémissants et de tous les cartons défenestrés. Il y pense souvent et il se dit qu’il sera bien là, le temps que ça durera, sur le petit tapis. Avec les autres à ses côtés. Un dernier voyage vers la grande béance dont on ressort changé. Un dernier voyage pour oublier ce que les hommes ont fait de lui. La béance se rapprocherait et jetant un regard complice à la cafetière à ses côtés, il se dirait que si Dieu le voulait bien, il pense qu’il aimerait bien ça dans une autre vie, servir du café.
J’ai beaucoup aimé l’effet d’étrangeté produit par le malaise ressenti par l’objet, trop conscient de sa condition passée et présente. Superbe texte !
Très réussi.. inattendu, juste !
Il y a donc des objets plus avisés et polis que d’autres…
Merci pour ce beau texte !
un texte décalé comme tu aimes les écrire (et qu’on aime lire) 😉
Merci pour votre lecture et vos retours, surprise moi même de ce qu’écrire sur un objet a appelé comme relents d’humanité !
On sent le corps, pas loin, sur le petit tapis. Un polar des objets, voilà qui serait un projet !