C’est un objet du quotidien : récipient en céramique, porcelaine, noix de coco, métal, tissu, bois, cuir, carton ou jonc tressé destiné à recevoir des objets, un creux à remplir à convenance. 1— dans l’entrée poser les clés dans une demi-noix de coco qui se balance dès qu’on l’effleure, 2 — dans la cuisine après un grand verre d’eau et une rêverie devant la fenêtre, disposer le sac de courses vide dans un pot en terre cuite émaillée, 3 — dans le séjour, ranger carnets, sacoche, masque, écharpe dans un petit meuble XVIIIe à tiroirs multiples, s’asseoir ou s’allonger sur le canapé après avoir déposé dans une coupelle en cuir quelques friandises, immédiatement consommées ou non selon l’humeur gloutonne ou paisible, se lever et gagner la table sur laquelle en son centre s’offre une corbeille en inox, réceptacle ostentatoire où s’exhibent les citrons offerts par le voisin d’en face, s’introduire ensuite dans 4 — le bureau, surchargé, retrouver un pot en grès avec motifs colorés représentant une mare à canards rempli de stylos, crayons, gommes, trombones, loupe dans son gousset noir, accéder plus tard à 5 — la salle de bains, sur la commode ouvrir un récipient en carton verni d’origine africaine, choisir savonnettes, cotons ou parfums, pénétrer enfin dans 6 — la chambre, déposer sa montre, ses bagues dans une coupe ancienne en bois de rose récupérée dans une maison familiale disparue. À travers le pari d’écrire sur cet objet, le regarder de plus près ce videur de poches et bien plus, ce réceptacle décoratif et utile aux formes et matières changeantes, du poli au rugueux, du résistant au fragile, du carton à la plus précieuse porcelaine, installé astucieusement dans un espace de la maison. Observer ce contenant au contenu identique chaque jour selon un rituel obsessionnel ou au contraire au contenu renouvelé, apprécier son ambivalence. Il accueille des objets et les restitue. Je me demande si l’accumulation de ces vide-poches disposés au hasard ou pas dans la maison, n’en oriente pas en retour les habitants selon un ordre discipliné, ritualisé, par bonheur susceptible d’être modifié par un nouvel agencement plus inventif, fantaisiste au rythme des humeurs et des saisons. Comme dans la vie, l’alternance de vide et de plein est troublante. Je voudrais en choisir un invisible, situé dans un jardin perdu, près d’un tilleul et d’oliviers, un vide-poches mental, affectif qui y demeurerait et même à distance recevrait mes élans mélancoliques, ma fatigue, mes ras-le-bol, les transformerait en apaisement. Et j’en imagine un autre se remplissant à l’infini de substances précieuses, les métamorphosant en énergie cosmique.
J’aime beaucoup ce texte, tout empreint d’observations et de délicatesse, qui chemine d’une pièce vers l’autre. Et me dis en le lisant que l’écriture, la page, la feuille de papier, sont aussi de fidèles réceptacles, des vides poches qui accueillent nos pensées et nos mots.
Merci Élise de votre écho.
Feuilles de papier vide-poches à remplir en effet, de nos mots;
Vous lire me conduit à visiter mes différents vide-poches et je m’aperçois que cela m’emmène beaucoup plus loin dans l’intime (fait de sensations, d’émotions, de pensées). C’est agréable. Merci
j’ai ressenti cela en effet d’aller de plus en plus vers l’intime. Vertige même. merci Cécile de votre lecture
J’aime beaucoup le voyage que vous nous proposez, Huguette, à travers cet objet qui nous emmène d’un bout à l’autre de la maison, jusqu’à celui du jardin et le tout-dernier, qui sont mes préférés parce que personne ne peut en voir le contenu, à part nous… Très belle fin qui ouvre sur le mystère et le cosmique. Merci !!
merci de ce retour Zoé. partir d’un objet simple et avoir le sentiment et la sensation d’un décollage à la fin, l’objet échappe
De pièce en pièce, de chambre en chambre, on découvre les objets qui nous accompagnent au quotidien….
Comme une promenade qui nous donne à réfléchir et nous enrichit…