Comme le couteau ramassé sur la plage, brillant, pas si brillant, pas si propre, les doigts articulent la lame qui n’a pas de tranchant, percée en son centre d’un cercle parfait. Alliage unique à l’ensemble, d’un côté la lame ondule pour faciliter la prise, de l’autre des percées pour faciliter l’écoulement à venir, cercle-trou pour déposer l’œuf que surveille l’oiseau vissé, en tirer entre les doigts une forme longue, de quoi paraître dérisoire dans une main adulte tandis dans la menotte de l’enfant, c’est un outil de torture. L’œuf qui fume est stabilisé dans le coquetier, bruit léger en révélation d’un frugal repas qui convient pour un mercredi midi, simple et apprécié, un peu de salive sur la lame. Ce qui le condamne c’est ce cercle parfaitement adapté, apte à recevoir l’œuf qui demeure prisonnier, l’oiseau en décoration et rappel d’usage, lourdement chargé par l’imaginaire d’être à la fois juge, assistant d’exécution, lié à la victime, manquant de peu d’être abîmé par la maladresse de l’exécution par à-coups. La vapeur éclaircit les rebords et donne un mouvement nouveau, comme un miroir dans la brume, l’enveloppe chair de l’œuf réchauffe l’objet en son cœur. Ô prisonnier qui subit coups répétés contre la coquille, la frêle bourrelle évaluant la puissance de la décapitation à venir, va-et-vient est violence, voilà le coup fatal brisant la coquille en son sommet, la somme de toutes les exécutions résonne dans la pulpe des doigts, jaune s’étale gluant sur lame, séchera en s’incrustant dans les volutes percées. L’objet délaissé, l’œuf glisse dans le ventre alors que les lames sont ôtées, un coup d’eau, on range précieusement l’objet quelconque jamais ailleurs retrouvé.
Quel plaisir, cette lecture rythmée !
Merci pour ce texte, Alice !
C’est l’effet de coupe, ça force un rythme dans l’écriture. Merci Fil !
(j’ignorai la bourrelle) (mais je pensai au petit frère (probablement) de l’objet, lequel étête le cigare) (quelque chose du couple, peut-être et de la coupe sûrement – il y a un proverbe qui fait « il y a loin de la coupe aux lèvres » – laquelle coupe (ou presque) fut choisie par qui tu sais – ah non, flûte! (en effet))
Bien joli et pas si doux ce texte ! (Chez nous il n’y avait pas cet objet — ça se faisait à la cuillère ou au couteau — je l’avais vu chez une amie— la précision d’exécution c’était quand même impressionnant il se rappelle beaucoup plus tard dans la guillotine du coupe cigare où l’on glisse forcement un doigt )
Qu’on leur coupe la tête !
Ma fascination pour Marie-Antoinette (sans doute) amorcée par cet objet que je n’ai vu que chez moi.