Un bol – En verre, en terre, en métal, contenant, contenu, argile ocre, pilule molle. Bol. Mot au son mat. Une syllabe, trois lettres, les lèvres qui claquent, la langue qui s’enroule et claque. Bol. Petit mot plein de café fumant, de thé ou d’infusions, de riz, de rhum, de cidre, de vin chaud, de soupe, de salade, de céréales, de lait, de chocolat chaud. Bol. Une syllabe, trois lettres, un bol, du riz, un bol de riz, seule nourriture quotidienne pour de nombreux enfants dans le monde. Bol. Une syllabe trois lettres, un bol, un son, le son du bol Tibétain aux sept métaux, bol qui chante, bol spirituel. Bol. Une syllabe, trois lettres, un bol, un pot, un bol, un cul, avoir du bol, avoir du pot, avoir du cul, mot d’origine anglaise récupéré par l’argot des voyous de la fin du XIXème siècle. Bol. Une syllabe, trois lettres, un bol, de l’air, un bol d’air, de quoi remplir un poumon adulte
Ce bol – Une demi-sphère de terre cuite couleur brique émaillée de bleu marine et décorée en noir et rouge. Céramique de Safi peinte à la main. Une fleur déploie ses six pétales depuis le centre de la coupole jusqu’à une frise qui court le long de la circonférence. Chaque pétale de la fleur ainsi déployée est décoré d’un motif rouge en forme de graine de café, entourée d’une ronde de points noirs réguliers. A l’extérieur, la frise large est faite de ponts enjambant ce même motif rouge en forme de graine de café. Le bol se prend à pleines mains, les paumes en épousent l’arrondi, les doigts serrés, les pouces posés sur le bord souligné de noir. Noir comme le café noir dans le bol à la fleur déployée depuis le centre de la coupole. Ce bol est fêlé. Une ligne suit discrètement le bord d’un pétale et rejoint le motif rouge en forme de graine à café. Fissure légère d’où commence à suinter en fines perles noires le café. Ce bol est fêlé et le café suinte lentement et souille la frise large faite de ponts enjambant les motifs rouges en forme de graines de café, à l’extérieur. Ce bol est fêlé et le café coule. Coulure fascinante qui se glisse entre les doigts serrés. C’est chaud. C’est trop chaud. Ce bol est fêlé.
Merci pour cette belle évocation, le son du mot, son sens et ses usages, votre texte me fait voyager et me souvenir de ces moments où l’on tient un bol à pleine mains, quelle tristesse qu’il soit fêlé.
Et merci à vous pour votre passage attentif en mon texte. C’est vrai que tenir un bol à pleine mains procure des sensations en général plutôt agréables. Mais pour moi il n’y a aucune tristesse à ce que le bol soit fêlé. J’aime les fêlures.
J’ai lu « ce bol est fêlé et le sang coule ». J’ai attendu le bol breton avec son prénom gravé (bêtement). Une syllabe, trois lettres et l’écriture des mots qui coulent, qui pourraient (que j’aimerais voir) couler plus longtemps – je m’aperçois que j’aime cet objet comme vous l’écrivez.
Merci et oui j’aurais pu y penser à ce bol breton… et j’aime bien votre suite, une syllabe, trois lettres, un bol, un mot…