(codicille : j’en ai fait trois, vous serez meilleurs juges que moi pour choisir.)
Du petit ballon comme on en voit sur les zincs à l’heure de l’apéro le socle rond ici posé sur nappe blanche son ombre projetée en un cercle gris comme dessiné sous le verre au crayon en plus épais pour le segment placé du côté de la lampe et d’où part la ligne imaginaire appelée Diamètre qui passe donc par le centre du socle (d’où jaillit le pied) et se prolonge au delà dans la direction opposée à la lampe en une ligne bien visible sur le blanc de la nappe un trait d’un bon demi-centimètre de largeur qui de gris qu’il est en s’élançant se teinte de rose en une forme allongée oblongue agitée d’une oscillation quand la table bouge légèrement de par les mouvements (pourtant ténus) de l’observatrice et de ses doigts qui courent sur le clavier de l’ordinateur la forme oblongue donc d’un rose franc oscillant sur la nappe blanche par l’effet de la lumière traversant le vin qui repose dans le verre à l’extrémité supérieure du pied tout simple dont la base est cernée d’une ombre minuscule et irrégulière d’un gris foncé peu engageant comme une petite flaque et l’ellipse formée dans le petit ballon par la surface du vin (il n’en reste presque plus) est d’un diamètre inférieur à celui du socle et circonscrit la base oscillante de ce petit volume en forme de cône renversé (ou de bouche très stylisée) à l’intérieur duquel luit une précieuse pierre de rubis bien sûr ou plutôt trois trois petits rubis qui se projettent unis dans la forme oblongue rose sur la nappe tandis qu’un jet de lumière blanche s’élève vers la surface imaginaire délimitée par l’ellipse du bord sur lequel la lampe pose deux taches de lumière aux deux extrémités du même diamètre qui coupe à angle droit la ligne invisible prolongeant le pied du petit ballon que l’on peut saisir entre deux doigts pour porter à ses lèvres le verre et faire couler le vin de coupe à bouche puis gorge après quoi on perd sa trace mise à part une sensation de chaleur et dans le fond du verre une tache rose pâle juste au-dessus du pied à l’endroit où se trouvait le rouge sombre du vin maintenant remplacé par un croissant de lumière.
ma pince à linge
Sans être aussi minuscule que ses collègues multicolores en plastique, elle est petite par rapport aux grosses en bois rugueux qui maintiennent les draps sur les cordes de campagne pour qu’ils puissent bien se gonfler sous l’effet du vent. La mienne est en bambou, lisse, élégante, comme les longues tiges cannelées qui murmurent dans les forêts – les Bambuseae, originaires des régions tropicales et subtropicales, et les Arundinarieae, originaires des régions tempérées – toujours à se demander laquelle d’entre elles un jour chantera, traversée par le souffle d’un humain. La mienne est fine et délicate, sa couleur change d’une face à l’autre et selon la lumière, mais toujours dans les tons de safran clair strié de fines fines rayures à peine plus foncées, le tout rehaussé par le fil de cuivre doré du ressort hélicoïdal qui permet sa mobilité. Artisanale, ses découpures ne sont pas exactement symétriques, tout comme dans nos visages, bien que le sien n’ait rien d’humain et pourtant, sous une pression douce du pouce et de l’index, c’est bien une sorte de sourire qu’elle fait, une grimace plutôt, on voit se rejoindre la peau du front au-dessus de l’oeil unique aux reflets dorés. Relâchez la pression, elle retrouve son sérieux, comme le clown blanc dont les lèvres se joignent, gommant tout expression. Le fil de cuivre du ressort qui descend en diagonale pour se loger dans l’encoche pratiquée sur la face cachée, pourrait être la trace d’une larme en y mettant de la bonne volonté, et il fait ça des deux côtés, en diagonales opposées qui formeraient un X si l’on pouvait les voir en même temps. Une pression répétée fait tour à tour se distendre et se rétrécir les figues géométriques : une ligne et deux cercles, le plus petit au centre, découpées le long de la ligne de démarcation des deux parties de ma pince quand elle est au repos. Elle est fine, elle est délicate, c’est une aristocrate. Jamais je ne la soumettrai au contact grossier de la corde à linge, son rôle à elle est de fixer ma photo préférée au fil qui court le long du mur.
le briquet bic
Vert, vert pomme, vert prairie, vert qui donne envie, le cylindre aplati bien lisse fabriqué dans un matériau appelé le Delrin dit le directeur qualité-sécurité qui brille comme un caillou précieux tout juste sorti de l’eau et dont la douceur froide est conçue pour se nicher dans la paume et se réchauffer à ce contact familier devenu intime même, par la force de l’habitude, petit Prométhée de poche produit et vendu à 6 millions d’exemplaires par jour dont les dimensions sont calculées au centième de millimètre près par des experts pour offrir un confort maximum à la main, à la main du consommateur qui s’ouvre et se ferme comme un vivant écrin, tournant et retournant rêveusement briquet bic votre main fera la différence cet objet banal, jetable, éphémère, anonyme, fabriqué par des machines hautement sophistiquées, surveillées par caméra dans la hautissime sécurité garantie par les visages sérieux des hommes tous les ouvriers et responsables figurant dans la video de présentation sont de sexe masculin, traquant sur leurs écrans le moindre défaut dans les plans ou dans le processus de fabrication par moules, machines et outils divers automatisés pour l’assemblage accouchant des files de petits briquets rangés comme des sucres d’orge multicolores sur un présentoir. Sa durée de vie est limitée par le nombre de fois qu’on aura appuyé pour faire jaillir la flamme, mais on le croit volontiers éternel, on s’y attache même, il est le témoin de nos larmes secrètes, il allume l’encens, la bougie, la cigarette propice aux rêveries, et quel étonnement, quelle stupeur, quand au frottement du pouce la flamme ne répond plus, d’abord on n’y croit pas, on ré-appuie plusieurs fois mais non, il est mort, alors on le jette à la poubelle sans le moindre état d’âme, car il suffit d’aller racheter le même au Tabac d’en face pour retrouver son intimité et l’illusion de son immortalité.
Je choisis le verre de vin.
Peut-être d’en avoir abusé, je vois la pince à linge en double. Bonne journée.
pour rester dans le sujet, oui la pince à linge en double, fausse manip maintenant réparée. à moins que la pince ne soit mon double, dans ce cas, appelons la Catherine . merci les amis pour ces retours sympas.
Puisque tu/vous me tends la perche et que François a vendu la mèche l’autre jour, j’y vais. Tu sais que (et je suis sûr que je ne suis pas le seul) j’ai cherché bien souvent Catherine Le Forestier sur internet. Qu’était elle devenue ?
Et on te retrouve ici par le hasard (?) de François Bon, vivante, en forme avec d’autres textes et moins de musique. C’est bien, c’est très bien.
J’aime bien le verre ballon et sa transparence mais la pince en bambou m’accroche, belle idée d’une pince délicate et aristocratique, et puisqu’elle peut sourire je vais y réfléchir à deux fois avant de la laisser dehors sur le fil avec ses comparses de bois ou de plastique. Je la vois en double également ? Merci à vous
on se cache pour le plaisir d’être découvert. comme les enfants.