Rue Hautefeuille. Il faut le faire quand même, si cela n’était pas déjà écrit. Un nouveau né pousse son premier cri quelque part ici sur le trottoir à l’angle du cent-deux boulevard Saint-Germain et de la rue Hautefeuille. Il y’a bien une plaque mais elle n’est pas à sa place sur la façade du dix-sept, elle aurait du être dans l’asphalte au bout de la rue car la rue des Deux Portes St André et le numéro treize de la rue Hautefeuille ont été emportés pour la percée du boulevard actuel. Le chant des oiseaux calme le bruit des tailles haies et des tondeuses à gazon, loin de Paris et cependant si proche en cette matinée. Ici à midi et là-bas à trois heures, jour d’avant hier, il y’a presque deux cent ans, la poussée de la délivrance et le premier cri d’un enfant, déjà toutes les fleurs du mal puissamment projetées dans l’éther, un condensé de toutes les créations du monde. L’hôtel Allegre en a emporté les ondes dans ses gravats peut-être même dans les vitraux de Didron qui sortirent plus tard de la même maison. Si la matière a une mémoire, elle s’est imprimée du souffle du jeune enchanteur et ne pas le remarquer serait fanfarler, n’avoir que le temps pour s’essuyer une larme devant le miroir, ou pour rire devant son propre reflet pour voir comment cela fait en public de rire ou de pleurer, comment me voit-t’on rire ou pleurer ? Qui erres-tu dans tes noirs minuits ? Le nom de l’épouse de Moïse s’étale gigantesque au milieu de traits noirs et blancs, en vitrine le parfum Fleur du Mâle, les odeurs poudrées, musquées, giroflées se mêlent à celles des échappements d’une multitude de véhicules sonores, pestilences. Mais ici la campagne s’allume comme tu disais.
de peu…
Pas si peu : une adresse, Hautefeuille prémonitoire pour un écrivain, un extrait de l’extrait de naissance reconstitué en 1842, une plaque commémorative placée en 1921 par la Société Baudelaire, une recherche sur les plans cadastraux dans les archives, deux nouvelles de Charles Baudelaire Le jeune enchanteur et La Fanfarlo, une allusion à une lettre à sa mère, un narrateur à la campagne, le magasin Sephora au coin de la rue et du boulevard Saint-Germain, un parfum de Jean-paul Gauthier… Le constat du sentiment généralisé de manque de temps et une piste donnée aux plus curieux-ses.