1.
Habiter un miroir vide. Habiter le reflet de ton visage, d’un visage creusé de ta fatigue de vivre. Nos pâleurs flasques. Le rail des rides des rires vides, la peau grattée, le papier que tu grattes d’une encre vomie. Habiter ta tristesse de vivre. Habiter la tristesse de l’image de ton image absente, nos vides. Je nous hais.
2.
Habiter… C’est la maison de l’enfant vieux. C’est le grenier le petit grenier de l’enfant vieux. On est là. Tu te souviens ? On est là, chaque jour, chaque jour avec notre peau froide qui meurt lentement, chaque jour avec notre souffle qui souffle en buée, en gel, en râle d’agonie. Sur notre tête, il y a cette poutre qui pourrait tomber, peut-être, un jour, peut-être. On pourrait mourir, encore un peu… Tu te souviens ? Ton souffle marque de gel le carreau de la fenêtre petite. Tu es devant la fenêtre petite. Tu es toujours devant la fenêtre petite, toute une vie. C’est janvier. Chaque mois c’est janvier, toute une vie. Et tu les regarde passer. Ils sont tout petits dans la rue, petits comme des bouées, comme des rêves fragiles, petits à disparaître. Ils passent. On sourit. Tu es là et tu souris, tu t’es émue à regarder le passage de ceux qui passent, tu les as aimés. Ton souffle tu craches encore le gel sur la vitre froide. Ton souffle gèle sur ton propre visage, sur ta peau tu gèles, transparente, tu vas être totalement gelée. Tu souris encore. Ils passent, toujours. Tu vas mourir ici dans la petite pièce, tu vas mourir devant la fenêtre petite, avec ton gel qui aura bouché la vitre, avec ton gel qui aura gelé ton corps, tes yeux, tes ongles, ton visage. Peut-être, peut-être tu ne t’habiteras plus.
3.
Habiter tout d’abord le ventre de la mère. La moiteur organique. La mère. Je vais vomir.
4.
Habiter ailleurs. Dégager, il faut qu’on dégage, il faut qu’on dégage, être ailleurs. Être autre. T’aimer.