Et animal ambivalent, le couteau s’enfonce beaucoup moins dans la viande que dans le doigt qui adosse à ses manche et lame ses trois phalanges. Et si l’œil végétarien se fascine de l’incompréhensible va et vient qui revient dans la viande après avoir quitté le morceau pour la bouche, le même oeil quitte bien assez tôt l’invisible bilboquet qui lie la gencive à sa viande pour maintenant surtout se fasciner de la petite enfonce du doigt dans le manche chromé, qui laissera son suspens, sa trace cannibale et creuse, d’un sillon à peine blanchi ou rougi, selon le doigt et le flux de sang dans le doigt. Oh! couteau contre intuitif, qui s’agrippe à son itinéraire de petite trépigne argentée et laisse à la viande dessous le soin de se répandre, morte et faible, et au doigt l’épais loisir de déployer de chaque côté de son aileron ses phalanges obèses et sciées. Paradoxal couteau, en effet, qui, linéaire, indivisible et fin, s’entoure de volubiles masses et chairs, et ressort intact de ses voyages immobiles, à part le changement éventuellement, mais tout provisoire jusqu’à l’eau et l’évier, de couleur, et qu’un couteau de quinze heures sera plus sale qu’un couteau de midi. Pudeur couteau qui, dans ton intercession d’inox longiligne, nous évites le face à face entre viande et phalange. Contagieux couteau, qui fais du doigt la viande. Je veux mes mains nues. Et n’avoir découvert que le feu sans l’outil.
on disait risque calculé pour donner aux enfants des couteaux coupants, risque calculé, avec ton texte c’est la fascination jusqu’au vertige, quasi la tentation,
C
Aussi compact que Ponge on dirait
Sensuel à souhait. Malicieusement, j’attendais le pire, le dérapage, des zones inavouées où le couteau s’enfonce, chair humaine, ou de poulpe géant. Je patiente jusqu’au prochain 🙂
Texte très fort pour moi. L’image du Chien andalou est passée pendant ma lecture.