Ripailles aromatiques, vous envoûtez, vous embaumez, vous emplissez, vous remplissez. Rêves aériens concrets, fragments d’attentes parfumées. Lorsque votre fragrance retenue s’échappe sous la poussée de la pensée inscrite dans l’intimité de votre essence, entre langue et palais, vers le nez, insoupçonnables idées extraites de l’empire de votre substance, vous suscitez l’éveil de mondes inconnus ; nous les explorons, éternels stupéfaits de l’étendue secrètes de vos éclatants empires. Adressez-nous, pauvres mortels, la ferveur cachée de vos desseins supérieurs ! Nous nous contenterons, s’il nous en vient l’endurance, d’enregistrer par l’action concertée du souvenir l’événement responsable de votre grandeur. Car il nous faut travailler à l’équilibre de votre surgissement : trop peu s’évade, trop se dissipe. Elle ne sera jamais assez précise la perception de l’exacte liturgie de votre avènement fugitif. Nous retenons certaines techniques ; vous restez indécis de nous étreindre jamais. La cuisine pourtant, s’accommode de l’approximation du geste. Entrez sans crainte où les dieux, paraît-il, résident aussi.
La feuille crépite sous l’action d’une eau finement tempérée. Bouillante, elle réduirait à néant tout effort de transmutation. Il est heureux que les arômes soient les premiers à se détacher de leur support sous l’action de la chaleur. Cependant, les tanins amers les suivent de près. Parce qu’il faut extraire un arôme mais retenir l’amertume, il est parfaitement juste que la confection du thé est un acte de patience autant que de générosité. Parvenir droit au but avec trop d’avidité intervient à l’encontre de tout l’intérêt gustatif de la manipulation : le moyen du mieux est la cause du mal. Le thé le plus sage s’infuse à froid mais se boit plusieurs heures après la première humidification et seule l’excès de précipitation nous prévient d’atteindre les plus accessibles délices. (Tous les plats en sauce que sublime une cuisson progressive témoignent peut-être de la même stratégie ancestrale que récompense l’attente.)
J’ai aimé ces « ripailles aromatiques », ce vous qui leur donne vie, cette exaltation presque mystique.
Bien écrit, mais je vois ne pas de liens entre l’accumulation et la narration. Peut-être trop mystiques pour moi.