Good evening Sir, good evening Madam. We are French people travelling by bicycle through your country. And we’d like for the night to find a place to put our tents… Le discours commence à se roder. On pourrait peut-être l’améliorer encore. Your country ? Pourquoi ne pas qualifier en : Your beautiful country ? Your wonderful country ? Sauf qu’on en a les mollets durs à cette heure, de ce pays aux petites côtes d’après l’averse qui t’a si bien refroidi… C’est pas au moment où on est en train de chercher la halte qu’on le trouve le plus beau, le pays. Et encore ce soir, ça a l’air d’aller. On va être dans nos tentes, on va se tenir dans nos tentes, sans trop de tendresse mais fidèlement, fidèlement. Je peux même faire un clin d’œil aux enfants du pays dont j’ai récupéré les mots. Et envisager de m’esquiver un peu demain de la bande des six, pédaler un peu plus et donc un peu plus vite pour les rattraper ensuite et aller saluer la tour de Yeats… Mais pour le moment, c’est la halte, il faut se concentrer dessus. Le grand barbu a été sympa, il a souri et désigné un pré de la main. On a intérêt à pas trop lui abîmer son herbe, serrer au maximum les tentes, tout en laissant la marge d’intimité à celle des amoureux. Et puis chercher le ruisseau où on pourra laver la vaisselle du soir et du déjeuner de demain. Heureusement qu’on avait fait des courses sur la route. On est vraiment loin de tout ici…
Alniŋ wura. Nte muŋ tubabu leti. Mbota Segukura, n’lafita ka taa Sabi Mulesi bari suo kutale. Al si buuñaa, mbe taala siniŋ saxoma… Par rapport à l’Irlande d’il y a trois ans, j’ai mis le « je ». Normal, je suis désormais tout seul pour sillonner le Sénégal oriental, toujours à vélo mais je ne le dis plus à mes hôtes potentiels, ils le voient bien ! En revanche, je leur précise que je suis blanc, comme s’ils ne lpouvaient pas le voir. Il est vrai que je ne m’arrête qu’à la tombée de la nuit et que c’est ainsi que je justifie ma demande d’hospitalité. Je précise que je viens du village de Segukura et que je vais à celui de Sabi Mulesi, en repartant demain matin. J’aurais dû ajouter Inch’Allah… En nommant les deux villages, je donne la possibilité aux gens d’ici de me demander des nouvelles d’où je viens et de transmettre leurs salutations là où j’irai demain. A partir de là, la magie fait son œuvre. Toujours quelque chose qui reste de leur repas pour que je puisse manger, toujours un lit… Et si demain quelqu’un venu d’Afrique criait depuis en bas de chez moi, ne connaissant même pas encore l’usage de l’interphone ?
Mais la suite c’est plutôt Tampere, Санкт-Петербу́рг, Архангельск, Vilvoorde, Rotterdam, Einthoven, Cluj, Maribor, Bologna, London… Pas d’hospitalité à demander, des hôtels réservés à l’avance, un accueil plus ou moins souriant, des renseignements qu’on n’a pas forcément envie de donner, des chambres qui se ressemblent aux détails de décoration près, de même que les petits déjeuners. Les prospectus qui traînent dans le hall et qu’on n’a pas forcément envie de lire. C’est le on qui revient et auquel le je aurait à lutter pour trouver son exception. Heureusement que l’éternel sac en cuir de chèvre d’Afrique est là, avec son carnet qui va proposer l’hospitalité à quelques mots pour commencer la halte…