entre dans la danse le fer se mêle au sang du tranchant d’une épée guillotine d’un sabre rasoir de la pointe d’un poignard d’une baïonnette de l’empreinte que fait la balle qui pénètre dans les chairs qui fracassent les os éclatent les yeux brisent les dents entre dans le silence violence
je marchais dans la rue il faisait déjà nuit j’ai aperçu la dispute entre deux hommes j’ai entendu l’injure j’ai vu le poing partir j’ai senti l’homme tomber et l’avalanche de coups pleuvoir coups de pied dans le ventre dans les jambes dans la tête dans le sexe dans le dos dans la nuque je marchais dans la rue il faisait déjà nuit je ne me suis pas arrêté j’avais peur de lui j’avais peur de moi je ne savais pas je ne savais plus quoi faire de cette surcharge d’adrénaline qui m’étouffait de ces images qui me hantaient de cette culpabilité de n’avoir rien dit rien fait rien pensé indolence
reste dans l’innocence toujours les yeux fermés préserve-toi de la souffrance ce n’est pas la tienne ne cherche pas à savoir il doit la mériter il doit y être habitué ne cherche pas tu ne dois pas savoir ce qu’il a dit ce qu’il a fait ce qu’il faut penser garde le silence violence
je regardais la télé j’étais encore enfant je voyais les gants des boxeurs qui s’écrasaient sur le corps les côtes l’épaule le front la pommette la mâchoire faisant jaillir des gerbes de sueur je voyais les joueurs de rugby se détruire en s’opposant tête contre tête de toute leur puissance je regardais la télé j’étais un peu plus grand les cow-boys tombaient le colt à la main les gangsters sulfataient les policiers matraquaient les chasseurs massacraient tout le monde tuait c’est quoi ce plaisir d’assister depuis son canapé à ce déchaînement de maltraitance décadence pestilence
respire tes croyances là où l’air peut encore te nourrir ne pas te sentir vieillir souffrir mourir nourris-toi du vent qui souffle en haut des arbres même si tes yeux d’enfant ont vu trop tôt l’âme noire des hommes dépecer la différence dans le sang non-sens respire le silence violence
j’écoutais dans le poste la femme raconter l’agression sa voix était morte débordante de haine son regard je le sais était éteint par le viol ses chairs déchirées à l’endroit même où le pieu de l’homme se dresse avec opulence et une vie de cauchemars qui commence alors plutôt que la mort choisir la guerre la colère plutôt que le silence préférer la vengeance et haïr et crier et vomir la souillure comme une délivrance sentence intolérance étaler sa souffrance à la face du monde sans plus aucune espérance conséquence sans plus aucun rêve pour guider l’existence
mon enfant a poussé son premier cri il était ensanglanté la mère épuisée par le combat qu’elle avait mené je mesurais toute la violence d’une simple naissance mon ignorance impuissance
insouciance insolence
Ces images de violence qui nous hantent, parfois même sans qu’on le sache.
C’est ça, sans le savoir. Merci Stéphanie.
un paragraphe pour chaque situation, alternance, impératif, autant de formes qui portent ton projet de dire le sang, le tranchant
(merci JLuc)
Dans ces exercices d’ateliers, j’ai l’impression de devoir me fixer une forme avant même d’écrire. C’est curieux, je n’avais pas ce besoin au début. Merci Françoise pour tes mots.
Merci Jean Luc pour ces images que tu nous offres et qui résonne en nous.
Je me suis demandé si, pour décrire la violence, il fallait offrir des images ou les laisser en suspens derrière les mots. La force évocatrice est très forte aussi. Je n’ai pas de réponse. Merci Clarence.
C’est tellement un tout ce texte qui présente toutes les situations de violence, ce que cela fait au corps de celui qui juste y assiste de loin et à différents âges de la vie. Ces impératifs suivis par ces je à l’imparfait, très fort, très beau. L’absence de ponctuation aussi. Merci pour l’enfant qui regarde sans comprendre.
C’est pas simple de dire la violence, je trouve. Le forme permet sans doute d’enlever des filtres, se libérer de la ponctuation, de certaines conjugaisons pour se rapprocher de l’image en elle-même et non de ce qu’elle évoque. Un exercice difficile. Merci Anne pour ta visite.
La violence est partout dans nos vies,et parfois dans les grands moments. merci
Le moins que l’on puisse dire est que cette proposition entraîne dans des lieux difficiles qui nous dépassent.
les dire, les approcher est perturbant et riche en même temps.
tes choix stylistiques le révèlent parfaitement
indolence, ignorance, violence, cela rime
et merci à ceux qui se le reprochent
même un peu
… et la chanson de la violence se fond dans le silence
Je te répondais hier sur des questions de « séquençage » et je réalise ce matin, te relisant, que tu en sais un rayon et le pratique pour ta part… J’aime ici la scansion refrains/couplets et le jeu des assonances (et allitérations)
Je pense aussi (ainsi qu’évoqué plusieurs fois ci-dessus) que plus la matière est incendiaire, plus la question de la « forme » et des « choix stylistiques » se révèle primordiale (ce sont nos pincettes et nos gants — et c’est notre humanité, ou l’usage que nous en faisons)
🙂
J’écoutais … que fait- on de cette écoute? Je respirais, je regardais… et la survenue de l’enfant la vie coiffée de sang. Merci Jean-Luc