#gestes&usages #09 | écrire tamponne

Écrire est un geste à remettre à plus tard, écrire rumine, écrire fermente, écrire s’aigrit dans la zone du non-écrire. La jachère d’écrire épaissit l’impatience et la désillusion d’écrire. On a tenté écrire dans parler, on a tenté écrire dans lire, mais on n’y gagne que l’impulsion d’écrire. Un geste différé. Un désir sans nécessité.

Écrire gratte, quand écrire s’assume. À la recherche de : copeaux, miettes, éclat, poussière, braises, écailles, débris, écorce. Alors écrire est un geste qui délimite un devant, un dedans.

Écrire est un geste contrarié, à raturer, à corriger ; écrire est support à grammaire, à syntaxe, à conjugaison, à vocabulaire, à orthographe, écrire s’applique, écrire s’assèche dans l’utilité scolaire d’écrire. Dans la peur d’écrire on trahit son écrire. Forcément, il y a faute à écrire.

Sur le cahier, écrire requiert résistance. Papier grossier et stylo bas de gamme. Écrire est un geste qui aime les petites pelures du mauvais papier lorsqu’écrire imbibe la page. Écrire aime les tâches et la contorsion de l’informulé dans les coins.

Taper sans avoir à regarder les touches de son clavier est un geste très satisfaisant. On aime recopier de long texte pour exercer la dextérité de ses doigts. Mais ce n’est pas vraiment écrire. Cela rappelle le plaisir d’écrire avant l’apprentissage d’écrire. Le tracé de lettres sans contours ni signification propre.

A-t-on aimé le geste d’écrire avant d’apprendre à écrire ? Du petit bureau de poste, n’a-t-on pas gardé le souvenir d’un écrire performatif dont le coup de tampon serait le degré ultime ? Le goût pour la poésie pourrait-il venir de là ? D’un plaisir à tamponner ? Puissance d’un geste, qui, dans sa précision et sa rapidité, légitime, acte, date et signe. Obtenir un coup de tampon peut être une victoire ; le donner un consentement et une force.