-– On a ouvert, l’organe était tellement atteint qu’on a refermé immédiatement, autant dire qu’il est condamné— quoi, l’organe ou son père — les deux bien sûr. Le couloir de l’hôpital est blanc-gris, les lumières intenses, non elle va tenir debout devant l’homme en blanc insensible hâbleur, elle a envie de le frapper.
Hier pourtant ils avaient fait quelques pas ensemble dans le parc, lui avec sa potence, son sourire, son visage amaigri, la température était douce leurs paroles aussi.
L’homme en blanc a annoncé une nuit difficile. Elle reste dans la chambre avec sa mère. Son corps à lui est agité, sa respiration haletante, il souhaite se lever, le calmer en vain, les mots n’ont aucune prise. L’infirmière arrive et décide de l’attacher, — non pas question, jamais — elle quitte la chambre agacée. Son père se débat avec de plus en plus de violence, il crie, veut partir, rejette leurs moindres signes, elles ne le reconnaissent plus, l’homme doux et posé a disparu. L’infirmière alertée par les cris réapparaît accompagnée du médecin de nuit, un interne trop sûr de lui, froid technicien, il ordonne de le sangler, risque de chute, opposition — nous restons là à côté de lui, nous veillons. Agacement — vous en prenez la responsabilité. Jamais pu oublier cette nuit, cette violence, son père semblait livrer un combat avec des forces obscures, sans espoir mais sans reddition. Il crie, prononce des mots incompréhensibles. L’infirmière et l’interne reviennent avec l’assurance de faire ce qu’ils ont décidé, une injection calmante. Elle les suit dans le couloir — que croyez-vous madame, qu’il va s’en sortir, voyons, il est en train d’agoniser, ses forces apparentes en sont le signe, cette violence est assez fréquente avant de mourir, partez, allez-vous reposer, il n’a plus besoin de vous. Elle a envie de le frapper, elle retourne dans la chambre, serre la main de son père, de sa mère. Son ultime nuit s’écoule, elles se préparent au dernier souffle au petit matin.
Bon, eh bien il avait dit violence, on y est en plein. Après la lecture de Stéphanie, dur, dur ce matin. L’envie de frapper qui est une expression répétée, si révélatrice, et pourtant on ne s’y attend pas la première fois qu’elle apparaît et elle traduit si bien. Tu as tellement trouvé la forme qui convient à la violence de l’annonce reçue par les proches et celle du dernier combat face à l’inadéquation du corps médical. Merci, Huguette.
Très touchée Anne par ton appréciation.
Une situation de grande violence indélébile
De cette violence à laquelle on ne peut échapper. Et cette envie de frapper, seule réaction possible. Très beau texte. Merci Huguette.
Envie de frapper et rester inerte
violence contenue
merci Jean-Luc de ton passage
Cette phrase qui tombe comme un verdict : « il n’a plus besoin de vous »…
Il y a des mots insupportables qui résonnent longtemps
merci Stéphanie de votre écho
le mot sangle nous angoisse quand il arrive, nous prend à la gorge… la violence de ce qui arrive est contenue dans le mot sangle
l’instant de la violence est dans le mot sangle
(comment pareille chose est-elle envisageable ? l’histoire aurait pu s’arrêter là…)
Image longtemps présente
s’est imposée à l’écriture, la violence est ravivée.
merci Françoise de ta présence
C’est magnifique Huguette, merci.
merci Clarence de ton laudateur écho
que te dire… on n’ose admiration, on n’ose partage
oui Clarence a raison
et Françoise aussi
merci d’avoir osé
Merci Brigitte de ton avis
oser oui mais c’est dur dur de réactiver ces images
Merci Huguette . Et tant d’images resurgissent. « Les sangles » , « il n’a plus besoin de vous » (pense à l’instant à la double posture : Créon/ Antigone. )
Merci Nathalie de ton écho.
Ta référence m’interroge, les multiples lectures d’Antigone, un chantier à rouvrir