Le geste qu’on n’a pas vu, qu’on a imaginé pour avoir juste entendu n’en est pas moins glaçant. De l’autre côté de la paroi, le mur du studio, côté cuisine ou salle de bain, c’est juste de l’autre côté que ça se passe et c’est un effroi. Ce que j’entends ce sont les cris d’abord étouffés, et je vois le bâillon de la main sur les lèvres de l’enfant. Puis les cris se libèrent et cela veut dire que les mains sont ailleurs, et je vois les doigts, pourquoi je les imagine crasseux, sur la peau tendre de l’enfant. Elle crie de façon répétée avec une régularité de métronome et je vois le corps dans son mouvement dégueulasse, le geste qui cogne, le corps d’adulte sur un corps d’enfant, je vois le pire et je crois que je vais pleurer, et je crois que je vais vomir. Ce que fait mon corps, pris de tremblement quand je prends mon téléphone pour avertir quelqu’un, les doigts pour composer l’enfance maltraitée, l’arrachement des organes, le rejet des gestes que je ne vois pas. Et je crois que moi aussi je vais crier pour que de l’autre côté de la paroi ça s’arrête.