Vous devez vous laver les mains à chaque fois que vous touchez les choses publiques. Même si elles semblent saines, les microbes ne se voient pas.
Vous devez ne pas vous salir quand vous jouez, même au foot dans la cour. Ou par terre aux poupées.
Vous devez toujours vérifier après avoir tiré la chasse. Vous assurer que c’est propre après vous.
Lavez-vous les mains aussi souvent que possible.
Pensez à vos odeurs, les aisselles mais également les pieds. Et l’haleine. l’haleine surtout, vous ne pouvez pas l’imposer aux autres.
Vous n’avez pas besoin de rappel sur le brossage des dents, c’est l’évidence.
Et surtout restez naturelles, soyez simples, authentiques.
Vous devez sourire et sourire, les rassurer de sourires. C’est beau le sourire des filles.
Vous ne direz pas le mal que vous pensez des gens, vous risquez de les blesser.
Évitez les conflits, faites preuve de conciliation. De sagesse vraie.
Il faut de la modération dans tous propos, même les bienveillants. Nuancer les éloges aussi. Vous devez contrôler votre parole. Réfléchissez bien avant de vous exprimer. Surtout quand vous êtes émues.
Quelle que soit votre humeur, vos états d’âme… polies surtout. Bonjour, merci, au revoir… l’esprit de toute rencontre. Votre devoir premier en société, vous ne pouvez pas négliger ces codes qui régentent nos liens.
Vous devez rester naturelles, spontanées.
Vous apprendrez à cuisiner comme vos mères, c’est la clef. Pour vous et pour les autres. Pour elles aussi, manière d’honorer leur transmission.
Vous devez savoir tenir propre votre intérieur, l’art du ménage. Par exemple la poussière devant vous et non vers vous. Méthodique pour ne rien oublier. Et régularité, persévérance. On ne fait jamais le ménage une fois pour toutes, vous devez l’accepter.
Et bien penser à vous laver, après avoir nettoyé la maison. À vous changer, vous parfumer. Sortir prendre l’air si vous voulez.
Ne jamais vous coucher l’évier encombré de vaisselle, cela perturberait votre réveil le lendemain. Vue et odorat.
Vous saurez recevoir, agir de sorte que vos convives se sentent bien, qu’ils ne manquent de rien. Prévoyez davantage de nourriture que nécessaire, beaucoup plus. Que votre table soit colorée variée généreuse. Mettez votre touche personnelle si vous y tenez, un peu d’originalité c’est bien, sans ostentation néanmoins : vous devez éviter d’intimider vos invités, qu’ils soient à l’aise chez vous.
Gardez sérénité et décontraction, sans désinvolture excessive. Vous ne devez être en rien excessive.
Vous aurez à vous épiler, appliquer des crèmes hydratantes, faire des masques de beauté. Soigner peau et cheveux. L’élégance mais en sobriété.
Vous ne vous maquillerez pas devant les autres, même les intimes. Vous ne vous maquillerez pas outrageusement.
Pensez à nettoyer vos ongles. Le vernis n’est pas indispensable. Et surtout si vous en mettez, ne pas le laisser s’écailler, c’est vraiment laid. Vous ne devez pas paraître négligées.
Que votre parfum ne soit pas trop entêtant, ayez le geste léger.
Soyez raffinées.
Ne faites pas trop les coquettes, la juste mesure pour éviter de sembler allumeuses. Vous séduirez discrètement. Savoir plaire relève aussi d’un savoir-vivre.
Ne vous tortillez pas, pourquoi le feriez-vous ?
Surveillez les tics, comme de jouer avec une mèche ou se frotter les paupières. Ne pas trop hocher de la tête quand on vous parle. Ne pas vous ronger les ongles. Détendez les muscles du visage, tensions et autres émotions sont visibles dans ces microcrispations.
Quand ça vous gratte, respirez et déplacez votre attention.
Ne plissez pas des yeux, vous creuserez vos rides. Pour le front c’est pareil. Trop d’expressivité nuit à votre peau.
Il vous faut contrôler les réflexes vulgaires, se curer le nez, détacher la culotte qui colle aux fesses… cela va de soi, mais on préfère vous les rappeler.
Comme les insultes et certaines formulations grossières.
Soyez délicates.
Il vous faut souplesse et rigueur.
Vous ne devez pas pousser les chaises, vous avez des voisins que ce bruit gênerait. Pensez à les soulever, à les poser légèrement.
Tout comme les portes : résistez à l’envie de les claquer même quand vous êtes en colère ou juste pressées. Accompagnez le battant comme de soutenir une personne âgée.
Faites attention aussi avec le vent, il vous sera nécessaire de redoubler de vigilance s’il souffle fort.
Ne chantez pas dans les escaliers des immeubles ni dans les ascenseurs. Ne chantez pas hors cadre (espaces publics ou autres).
Vous ne devez pas faire de bruit, parler à haute voix, crier ou rire trop fort. Il faut rester mesurées.
Vous devez vous disputer à voix basse (ou éviter les disputes).
Baissez le son de la musique ou de la télévision, vous n’êtes pas seules au monde.
Faites tout cela avec naturel et joie.
Mâcher bouche fermée et sans clappement de langue. Vous n’êtes pas des sauvages.
Vous devez apprendre à vous moucher en pensant à ceux qui risquent d’entendre. Discrètement n’est-ce pas.
Vous éternuerez quand nécessaire et dans un mouchoir. Vous ne reniflerez pas ni ne vous raclerez la gorge.
Vous devez poser la main devant la bouche quand vous bâillez. Ou éviter de bâiller, c’est encore mieux. La main aussi quand vous toussez. Parfois il vous sera indispensable de sortir de la salle ou de vous éloigner.
Fiez-vous à votre bon sens devant l’imprévu.
Souriez même invisibles au téléphone, le sourire s’entend.
Pensez à remercier pour tout. À demander avec finesse sans oublier les formules qui adoucissent la requête, que vos souhaits ne semblent pas ordres : s’il vous plaît, si ça ne vous dérange pas, si vous voulez bien…
Posez des questions aux gens, sachez les faire parler. Intéressez-vous à leur vie mais sans indiscrétion. Il faut apprendre à écouter.
Vous ne devez pas heurter les autres passants dans la rue, évitez de les toucher. Si cela vous échappe, excusez-vous d’un pardon. Et d’un mouvement de retrait. Délicatement. Souriez d’un air contrit. Rien de plus charmant que le sourire des filles.
Ne marchez pas trop lentement sur les trottoirs, dans les centres commerciaux… vous risquez de ralentir les gens pressés derrière vous.
Pas trop vite non plus pour ne pas les étourdir. Ou les brusquer avec vos membres agités.
Ne montrez rien du doigt.
Ce serait manquer de respect que de hausser les épaules ou de lever les sourcils.
Vous ne devez pas laisser deviner vos émotions par votre gestuelle. Soyez de marbre, contrôlez-vous.
Une once de spontanéité fera votre charme, de la spontanéité contrôlée.
Comportez-vous avec simplicité.
Vous devez bien vous tenir à table, manger n’est pas une opération à cœur ouvert.
Vous devez vous resservir pour appuyer le compliment adressé à vos hôtes. Mais pas trop, pour ne pas sembler avides.
Vous attendrez que les autres commencent avant d’entamer le plat.
Vous devez mâcher longtemps la nourriture, certains vous diraient de compter.
Vous ne devez pas vous nourrir d’aliments sucrés ou gras, pensez à votre ligne mais aussi aux maladies potentielles. Votre corps est sacré.
Vous ferez du sport régulièrement, c’est bon pour la santé.
Il faut planifier vos courses, les menus de la semaine. Préparer les mets à l’avance et surtout éviter la faim. Vous devez avoir de l’appétit et modérer votre gourmandise.
Vous ne mangerez pas avec les doigts, sauf les plats de chez nous qui ne se mangent qu’avec les doigts.
Et surtout vous devez rester naturelles, agir avec simplicité.
Redressez-vous, tête haute épaules baissées, la démarche vous annonce. Soyez droite.
Rentrez le ventre mais n’arrêtez pas de respirer.
Vous ne devez pas plier le dos pour protéger votre poitrine, ne la projetez pas en avant non plus.
Soyez dignes. Sur terre comme à table comme partout, la bonne tenue. Tout commence par les postures appropriées.
Exercez-vous à bien marcher, que vos pas soient continus. Ne sautez pas, ne traînez pas des pieds. Ne vous déhanchez pas trop, vous ne faites pas un défilé de mode. Ne balancez pas les bras, gardez-les le long de votre corps.
Vous ne devez pas dévaler les escaliers à toute allure, l’enthousiasme n’est pas précipitation.
Assises, vous ne devez pas écarter les jambes ni vous vautrer (siège n’est pas lit). Ne posez pas vos pieds sur ceux de la chaise, n’allongez pas vos jambes, on ne joue pas à croche-pieds ici.
Ne vous tortillez pas les mains, ne touchez pas n’importe quoi ou n’importe quelle partie de votre corps. Vous êtes assises c’est tout.
Croisez sagement vos chevilles, les pieds seront ainsi sous la chaise rangés.
Soyez souples, soignez vos gestes.
Vous ne devez pas tenter de deviner l’âge des dames même si elles insistent, vous pouvez vous tromper et les vexer, méfiez-vous.
Ne faites pas de grimace, le sourire vous va mieux.
Évitez de bouder, exprimez-vous mais avec diplomatie.
Regardez les gens dans les yeux mais ne les dévisagez pas.
Vous devez faire preuve d’empathie, de gentillesse. Rien de plus désarmant que la gentillesse.
Vous ne devez pas faire confiance aux hommes. Vous ne devez pas faire confiance aux femmes non plus.
Vous devez aimer votre prochain comme vous-même.
Faites-vous des amis mais gardez une certaine distance, votre jardin secret. Ne vous confiez pas aisément.
Ne détestez rien, c’est peut-être pour votre bien. Tout ce qui arrive arrive pour une raison.
Vous devez penser positivement.
Vous devez rester naturelles, agir avec simplicité. Vous surveillez discrètement.
La dignité surtout. Et la joie.
Vertige à te lire. Et dire qu’en te lisant je ferais presque une inspection de ma posture dans le train, comme ces injonctions nous poursuivent malgré nous … Ne pas/ mais… ce petit manuel de savoir vivre à l’usage des filles (« souriez même invisibles «) ( « manger n’est pas une opération à cœur ouvert « ) ( « on ne fait pas le ménage une fois pour toutes » ah bon?! moi qui croyait qui rêvait que… « Une once de spontanéité fera votre charme, de la spontanéité contrôlée »:celle- ci je l’adore … terriblement fort. Merci
merci beaucoup Nathalie, je t’imagine en inspection intérieure de posture… je souris. merci si fort pour tes mots
oh… lu, à mon âge, quand ces voix ne vous concernent plus ou n’oseraient, sauf commentaires non exprimés devant vous e dont d’ailleurs vous vous moquez, c »est jubilatoire
oui et surtout soyez naturelles !
reconnais tout sauf « Vous apprendrez à cuisiner comme vos mères, » (chance elles le faisaient presque aussi mal que moi) mais tout le reste…oh que oui et avec charme et naturel
BRAVO Gracia
merci beaucoup chère Brigitte ! je suis si touchée ! et pour la cuisine, j’imagine l’allègement de grandir sans modèle trop écrasant 🙂
Votre texte m’a perturbée, perturbée en bien – les Suisses disent « surpris en bien ». Pour rependre les mots de Nathalie, ce manuel de savoir vivre à l’usage des filles, ces injonctions auxquelles nous nous sommes le plus souvent pliées… Le tout chapeauté par le titre inspiré de Kipling. Tout donne à réfléchir, oui oui, très fort.
merci Stéphanie, c’est beau « surpris en bien » (est-ce que le contraire de formule aussi : « surpris en mal ? »)
merci pour votre lecture!
Pour surpris en mal, je ne crois pas. Mais je ne connais pas toutes les subtilités du Suisse romand, je ne fais qu’habiter près de la frontière. Bel après-midi à vous !
j’aime l’idée de surprise en bien seulement, merci
bonne journée à vous
cette spontanéité magique (il y avait ce livre magnifique de Lucia Berlin qui s’intitulait comme dit Nathalie « manuel à l’usage des femmes de ménage ») nous autres garçons avons d’autres ordres (raffinés ? délicats ? non mais et quoi encore ?) (formidable Gracia !)
oh merci Piero ! la lecture de tous ces retours me permet de voir ce que je n’ai pas perçu en écrivant le texte. Et ce qui me vient à vous lire tous c’est qu’il s’agit surtout d’une cacophonie d’injonctions et souvent d’auto-injonctions, mélange de « consignes » oui comme « manuel » mais aussi ce qui s’est construit en soi en ramassant de tout sur le chemin de nos vies. Il m’a semblé « hasbeen » dans l’ici et maintenant, davantage daté ou proche de ce que j’ai un peu connu au Liban mais je n’ai pas réfléchi, me suis interdite de trop corriger ou de réécrire. Comme de me laisser traverser avec tendresse malgré tout.
merci de tout coeur à vous tous de permettre ces échos
Manuel de savoir-vivre précis et percutant
humour grinçant parfois
Camisole bien pensante et bien comportementale.
Chacune pourrait souligner et compter les injonctions qui l’ont façonnée, En mesurer leurs effets puis leur possible rejet.
Je vous rejoins, Huguette.
merci Huguette, « compter les injonctions qui l’ont façonnée » oui, tellement partagé!
Ces fameuses injonctions faites aux femmes. Sourire, ne pas dire de gros mot, rester discrète et aimable et « féminine » en toute circonstances. Heureusement, mes filles en sont exemptées…
de nombreuses ne sont vraiment plus d’actualité, heureusement oui !
Tout est très joliment dit, écrit et c’est très juste aussi. Ma grand-mère aurait pu avoir ce genre de règles à suivre…
Merci pour ce moment de lecture bien agréable !
merci beaucoup Stéphanie, oui la majeure partie relève d’une certaine génération ou culture. merci à vous pour vos mots !