Vous devrez prendre connaissance du dossier qui vous a été envoyé, il est conseillé d’en retenir les grandes lignes par cœur, vous devrez parapher les pages impaires et signer en toutes lettres en bas de chacune des pages paires ; vous viendrez muni de ce document ; vous disposerez ensuite d’un délai de trois jours et deux nuits, si tu savais combien de réflexion que vous passerez dans l’enceinte de l’établissement ; n’oubliez je t’aime sous aucun prétexte sous peine d’être exclu et de voir votre dossier rétrogradé, d’apporter un nécessaire de toilette ainsi qu’un vêtement de nuit réservé à votre séjour, strictement à cet usage ; n’oubliez pas si tu savais combien que ce vêtement doit être blanc et qu’il doit avoir été préalablement si tu savais combien passé plusieurs heures dans une centrifugeuse homologuée je t’aime, la liste se trouve en page 11B ; le jour de votre arrivée il faudra vous défaire de vos outils de communications, vous ne pourrez pas faire entrer je t’aime dans l’enceinte du bâtiment : téléphone, ordinateur, tablette sont si tu savais combien interdits et doivent être abandonnés dans les consignes du sas d’entrée; dès que vous aurez franchi la zone de sécurité vous vous engagez à n’adresser la parole à personne, ni à regarder si tu savais combien personne dans les yeux : Vous doutez de votre capacité à tenir cet engagement ? des bandeaux sont à votre disposition dans les consignes de l’entrée pour couvrir vos yeux; passé ce délai de trois jours votre signature sera définitivement consignée ; vous ne pourrez pas revenir en arrière, sous aucun prétexte si tu savais combien ; vous aurez ensuite un stage d’adaptation, une formation accélérée d’une durée de trois mois avant de devoir disparaître ; trois mois pour oublier je t’aime tout ce qui faisait votre vie d’avant, définitivement; vous aurez été préalablement rasé si tu savais combien, le crâne et le corps je t’aime tout entier, on vous aura attribué un numéro, que vous ne devrez, sous aucun prétexte, pas oublier; ni noter, ni enregistrer, ni communiquer à d’autres je t’aime ; ce numéro attestera de votre identité si tu savais combien et vous sera demandé avant…
si tu savais combien j’aime ce texte
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Merci ! Piero
Si touchée Gracia merci
La scansion de « combien je t’aime » en caractères gras crée un motif traversant, discordant, et le texte devient un poème visuel.
Merci Stephanie relever cette question visuelle elle s’est posée aussi .
si tu savais combien je pense qu’il faut partir avec ton je t’aime et ne pas franchir l’enceinte
Je ne peux pas dire mieux que dit Brigitte – Incroyable combien les mots en gras m’ont empêchés de lire le reste et vice versa, comme un travail pour dissocier les deux qui vont en même temps si bien ensemble. J’ai adoré entendre ces deux voix comme si celle qui disait » je t’aime » le disait à l’autre qui disait » vous devez » mais ça tu dois le savoir ! Bonne journée Nathalie.
Terrible, encore et encore. Et plus terrible encore quand la question en mot d’amour ne cesse de revenir, cruelle récurrence. Elle enfonce dans la chair de nos sentiments le clou qui nous maintient dans le temps d’une Histoire qui nous dépasse et nous broie. Merci Nathalie d’appuyer si fort là où ça fait mal.
Merci Brigitte, Clarence, Ugo de vos mots.
Les gras qui s’intercalent comme une voix unique, une voix inconsciente, récurrente, leitmotiv peut-être d’auto-persuasion, et cette dispersion des deux corps de cette phrase essentielle, se répondant, s’enchaînant de part et d’autre des injonctions, c’est particulièrement bien vu, particulièrement fort.
Merci Perle ( que les deux corps de texte se répondent ai tenté, cette voie en résistance ) . Merci.
« ni noter, ni enregistrer, ni communiquer à d’autres je t’aime » en lisant ce morceau de ton très beau texte, je t’aime prenait la forme d’un être, et à la relecture: « n’oubliez je t’aime sous aucun prétexte sous peine d’être exclu » ou encore « une centrifugeuse homologuée je t’aime » et aussi « faire entrer je t’aime dans l’enceinte du bâtiment », sans oublier « trois mois pour oublier je t’aime ». Il est décidément très actif, ce je t’aime. Merci pour ces mots !
merci Stephanie c’est une chose comme ça que je crois que je cherchais ( que la phrase répétée file autonome, s’échappe et qu’en même temps « « je t’aime » devienne un nom et un sujet ) . Merci !
On reconnaît les grands textes à ce qu’on a tout de suite une envie folle de les pomper!
Merci Natacha. Touchée.