Elle dit ça : ce corps que j’ai trouvé si beau, c’est une honte de le brûler. Pour moi je veux un endroit calme où me poser, pas être dispersée aux quatre vents, je rêve d’un bord d’allée pour voir passer les gens, peut-être même tailler le bout de gras. Vous ne me brulerez pas. Lui c’était dans ses instructions la crémation, c’est comme ça, c’est fait, mais je vais nous trouver un endroit où on sera bien pour l’éternité (c’est long). Mais pour se réincarner en rat des champs ou pharaon d’Egypte, les cendres ça marche aussi ? Vous n’y touchez plus. Déambulant, tu croises Nadar, Gioacchino Rossini, Clarence John Laughlin, Alain Bashung, Arthur Rimbaud (c’est loin), Gérard Durillon (c’est qui celui là), ils regarderont sur wikipedia, en parleront le soir au dîner, Gérard Durillon, Durillon, … star des promenades dominicales et familiales, ça donne envie de pierre tombale.
Et là, au hasard d’une causerie anodine entre l’ouverture du Barbier de Séville et celle de Guillaume Tell, j’apprends que, en 1887, Gioacchino Rossini à été transféré à Santa Croce à Florence, l’Italie voulait récupérer son héros. Mais alors qui y a-t il dans la tombe où il a été inhumé en 1868, côté gauche de l’allée centrale du Père Lachaise, pas loin du monument de Paul Albert Bartholomé et devant laquelle il fait bon ralentir les dimanches après-midi d’été et de grande chaleur, qui ? Déjà, le quartier stupéfait avait appris que l’enfant mort au temple, le ci-devant Louis XVII, inhumé dans le petit cimetière Sainte Marguerite (pas loin d’où Nini Peau d’chien allait se faire dessaler quand elle était p’tite) eh bien n’y était plus (et n’y avait certainement jamais été), des test ADN avaient ramené ces illustres os à la banalité.
Personne ne veut apprendre que Héloïse et Abélard ont été transférés sous un parking de supermarché sous prétexte qu’une étude aurait montré que c’était là leur premier baiser ou que Marcel Rajman aurait quitté la rue Merlin pour la montagne Sainte Geneviève. Ah si ! pour lui respect et exception ! Sinon arrêtez ces manigances post mortem : pas brûler, pas bouger, pas touche.
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Trop tard pour Abélard et ce matin dans le journal : « Le marché du logement tient grâce aux morts et aux divorces, ce qui n’est pas bon signe pour le dynamisme d’une société ». Ils ont vraiment la bougeotte !
Bravo Bernard pour ce texte au sujet fort – Je ne savais pas pour toutes ces transitions mortuaires, nous avons les statues d’Héloise et Abélard, à Melun devant la médiathèque de l’Astrolabe. Merci et belle journée.
Merci Clarence. Ah oui, je les vois sur Google. Ils ont bien fière allure ! Et le théâtre, ça va ?
« pour voir passer les gens, peut-être même tailler le bout de gras. » pense à BOBOK de Dostoïevski. Et le combat d’Antigone pour arracher le corps du frère à la dévoration des oiseaux? Brûler sur une barque au milieu d’une rivière? ( en pleine terre et juste un linceul – ici on ne peut pas faire corps avec la terre et monter en graine ) … il y a ce livre de Thomas W Laqueur « Le travail des morts ». Histoires de sépultures et pas seulement : Où sont géographiquement les morts? » « Qui sont les morts? » que sont-ils … Merci de réveiller les questions Bernard
Merci Nathalie d’emmener Antigone. Belle compagnie.