Dans la zone d’embarquement de l’aéroport, ils s’approchent du comptoir vitré de la cafétéria comme s’ils ne faisaient que passer, curieux mais pas décidés. Le bas du corps, jusqu’au bassin, reste à distance, le haut se penche un peu pour voir ce qu’on propose. Les visages n’expriment aucune gourmandise, ils gardent une expression tendue entre l’inquiétude diffuse qui précède un décollage et la résignation d’attendre. Ceux qui n’hésitent plus et ne repartent pas vers l’enseigne d’en face, désignent ou réclament ce qu’ils ont choisi. La serveuse est dynamique. Elle a un léger accent asiatique, en accord avec ses traits. Elle tape sur l’écran d’un doigt preste, se retourne préparer un café. Les clients, dans cet entre-soi anonyme, sortent leur porte-monnaie. Ils ne sourient pas plus quand ils le rangent, qu’ils aient payé par carte, et vérifié, l’œil écarquillé surplombant la machine, le bon déroulement de la transaction ou qu’ils aient échangé pièces et billets, et quelques mots en plus avec la jeune femme. En quittant son service, elle se fait rappeler par le collègue barbu qui a pris le relais, et elle prend dans un tintement le pourboire en menue monnaie dans un verre de cantine à côté de la caisse.