On ne se touche pas dans ce monde-là. Prescrit, interdit. Ou alors bourrades, contacts rugueux, poing contre poing. Entre hommes on ne se touche pas, ça bousculerait trop, ça rameuterait des larmes. On ne s’étreint pas. Jamais corps contre corps ou alors dans la lutte, dans le travail des champs parfois épaule contre épaule hanche contre hanche, dans la mort et la préparation des corps pour les déposer dans la tombe.
Les femmes elles ont les enfants. Ils occupent leur ventre. Elles ont droit au contact dès le commencement. Puis élèvent touchent bercent le corps de ceux qu’elles engendrent.
On la sait forgée au moule de cette campagne. Elle ne dit rien de l’enfant qui s’annonce, sauf à Louise. De la honte sans doute face aux frères, pourtant tant de joie. Sa seule chance. Elle se retire dans la pièce au grenier où elle compose ses onguents, bouquets de plantes séchées pendus aux solives. Elle répand de l’huile d’amande parfumée sur ses doigts, cultive le toucher, une façon de dire, de communiquer avec celui qu’elle porte.
Paume contre peau du ventre qui enfle.
Simon naît dans la difficulté. À présent il dort. Elle le regarde dans le berceau en osier. Elle a pris sa petite main, ferme les yeux, pense une seconde à Jude qui travaille dans la forêt puis elle ne pense plus à rien. La douceur du geste la prend longtemps.
Photographie ©Françoise Renaud, neige 2024
Les femmes elles ont les enfants. Ils occupent leur ventre…et si le geste vient un plus bas dans le texte, une image forte ! Merci pour le passage Françoise, je vois que chez vous aussi, l’écriture se poursuit en émotion.
le geste résulte de l’émotion ou alors la suscite
et cette proposition nous a entraînés pour la plupart à explorer des choses intimes
merci Stéphanie pour être dans les parages…
Une douceur qui donne sa chance à la confiance… merci
je poursuis le projet de roman avec mon personnage de femme et j’ai tenté de prolonger la scène de l’été où elle fabriquait des onguents pour se masser le ventre avant de le serrer pour cacher son état
(alors peut être un peu à côté de l’aspect social de la proposition mais tant pis !)
merci pour résonner avec cette lecture, chère Raymonde
de leurs poings à la douceur de la main
c’est magnifique Françoise
(et, en passant, tu as respecté le découpage du texte)
oui, le découpage proposé était intéressant…
(il me semble bien que tu l’as respecté toi aussi…)
merci pour ton attention, Brigitte, merci…
J’aime, j’aime, j’aime, cette main sur la peau du ventre qui enfle et ces hommes qui ne se touchent pas et ces femmes aux ventres ronds. J’aime ton écriture Françoise et ce texte m’a ému, merci.
touchée et re-touchée…
J’aime ces phrases courtes et lourdes de sens, de force, d’intime pour raconter l’histoire et tout son autour. Merci, Françoise.
Et merveille que la photo !
du court, du dense, ça va ensemble de préférence…
et comme tu sais, je m’applique toujours à conserver une sorte de « projet » photos illustrations à chaque cycle… j’ai donc poursuivi dans le format carré et le monde de campagne tout comme le cycle de l’été…
merci, Anne, d’en parler…
Hommes et femmes bien campés dans leur différence du rapport au corps.
Touchée par la tendresse de cette phrase : « Paume contre peau du ventre qui enfle » et de « La douceur du geste la prend longtemps »
attente de la suite
la phrase « ¨Paume contre peau du ventre… » était venue en premier, ensuite j’ai réorganisé pour respecter le modèle proposé et ça a vraiment fonctionné
ça s’est écrit très vite sans réfléchir
bon, on continue…
le travail va être de relier tout ça…
merci chère H.
Très beau projet, envie d’en lire plus. Merci pour ce texte et son image.
j’espère que le livre naîtra et sortira…
en travail même si pas trop le temps en ce moment pour le forger dans l’intensité, mais il se construit dans la lenteur…
plaisir d’avoir cet écho, Irène
« la douceur du geste la prend longtemps »… et cette dernière phrase se pose et nous reste longtemps, amenée par le passage progressif de l’interdit du toucher fait aux hommes, au contact d’une main de femme, des objets à sa propre peau à la main du bébé. C’est très beau.
oui cette dernière phrase venue d’elle-même, brève, pour résonner plus loin
comme la résultante entre rugueux et tendre…
(merci Laure pour ton passage fidèle)