Il entre d’un pas vif, s’arrête au bout du lit et attrape l’un des nombreux stylos qui emplissent sa poche gauche. Par ce geste, il bouscule les branches de son stéthoscope qu’il replace machinalement. Très vite, il regarde la feuille posée au bout du lit, fronce les sourcils, relève la tête et force un sourire vers le patient.
Elle est légèrement en retrait et se tient droite dans sa blouse verte, le tensiomètre entre les mains. Elle semble se concentrer sur la machine, les yeux fixes et la bouche serrée. Imperceptiblement, par un mouvement de tête, elle bat la mesure au rythme des battements du cœur qui résonnent dans la pièce.
Ici, le monde semble loin, comme extérieur à l’univers feutré qui s’étale dans la chambre de Mr M. Le son qui envahit la pièce n’est autre que celui de la vie. Et par peur de la faire fuir, les mots s’échangent à voix basse.
La vie crie qu’elle existe.
Ils savent que l’essentiel se livre dans ces secondes prises au hasard d’une vie qui n’est pas la leur. Ils savent que ce moment furtif peut parfois sembler infini. Mais très vite, tout se remet en route. Le médecin fait un signe de tête à l’infirmière qui acquiesce, déscratche le brassard, le passe autour du bras de Mr. M., appuie sur la petite poire en caoutchouc, la laisse se dégonfler, réappuie une fois, deux fois, regarde l’aiguille sur le cadran qui expire doucement, réappuie; 10 – 7, c’est encore trop bas, il faudra lui injecter de l’Alprostadil. Pouvez-vous vérifier son taux de glycémie ? Appelez-moi si nécessaire, je serai chambre 8.
Il sort et repart vers d’autres vies en suspension.
Bravo pour ce suspens de quelques secondes en forme de battements cardiaques entre 2 courses. Ce suspens qui est à la fois un silence et un cri. Mr M n’apparaît qu’à travers les battements de son coeur et les hochements de tête rythmiques de l’infirmière empathique. Une sorte de métonymie filée.
Merci !
et tout dans le texte est ce rythme..
Merci de l’avoir saisi….!