Les pieds dans l’herbe molle, dans la terre gonflée, éponge que les semelles pressent.
Un bruit animal bouscule la futaie.
Bottes mouillées dans l’herbe molle, la terre colle, les genoux peinent à soulever les talons dans un bruit de succion. Les bras balaient large, prennent d’amples appuis sur l’air ; le souffle est court.
Un cavalier à pied se détache de l’orée. Alternativement, jambes droites et lourdes, posées puis ramenées, avancent en régularité, la symétrie à peine perturbée par la bride qu’une seule des deux mains tient.
Avancer dans l’herbe molle, dans la terre gorgée, ce n’est pas aller de l’avant ; c’est peiner de toutes ses forces se débattre dans la gravité l’aspiration de la matière première la glèbe
Sur la crête du vallon, le cheval va de profil, son cavalier devant. Leurs silhouettes bleutées dans la ligne de leur chemin, sur l’horizon provoquent un déplacement mécanique, une ligne de trajectoire qui à chaque instant monte et descend, minimalement, talon pointe et ramène, torse droit tête haute que la marche hisse et rabaisse rythmiquement sans à coups, licol de main à tête, les sabots les quatre genoux se plient dans l’autre sens que chez l’homme.
Dans la botte que le sol retient, le pied se soulève en vain, la plante se décolle de la semelle mais le dessus du pied (le dos du pied, son cou) se heurte au plafond de caoutchouc, est retenu, l’autre pied plus doit s’enfoncer dans la boue pour celui ci s’extraire de terre.
Et ça va recommencer.
Le cavalier pourrait bien être une cavalière. De loin rien ne l’empêche. Ni ne le dit. Profil qui faiblit sans contraste sur un fond devenu vert, ou gris, couleur de l’eau sans pluie, l’eau n’a pas de couleur, la monture non montée et son piéton s’enfoncent dans un décor feuillu.
Les pieds glissent à l’intérieur du soulier pour éviter qu’emportant la jambe, le talon ne cède en glissade, tout le corps long dans la gadoue. Étonné d’être allongé, de s’être fait allonger, de n’avoir pas su résister à l’appel gluant de la gravité, ce serait une sensation d’humidité visqueuse qui par le col s’insinuerait, par les poignets, qui tremperait les pieds, recouvrirait ciré et pantalon ; pour éviter donc que les habits le corps ne soient détrempés, que le tissu ne colle à la peau davantage encore que la semelle crantée au sol, les pieds glissent à l’intérieur des souliers, les bras s’accrochent à l’air, les orteils se recroquevillent, la volonté s’arqueboute.
Ils montent maintenant une pente, la cavalière et le cheval, de trois-quart dos dans leur effort. Les pas se font courts. Les jambes du cheval tricotent sous lui.
Sec n’est pas le mot. Le dos tressaille sous l’effort, les muscles palpitent, le cou est tendu, aux dos et aux épaules et aux aisselles, la transpiration sourd sous l’imperméable. Toujours debout.
C’est peut-être une jument.
Semelle de la botte agglutinée au sol. Chacun des mouvements est lent.
Le cavalier au sommet est monté sur sa monture. Il serre les genoux sur le dos de la bête. Sa poitrine se creuse et son être se serre, l’encolure de la jument se rapproche de lui, se redresse et s’éloigne, se rapproche et se creuse, ça fait comme un ressort qui se tend se détend. La tête s’enfonce ressort.
Me suis complètement retrouvée dans ton texte, les pieds dans tes bottes. Et bien les respirations, le rythme donné par l’alternance marche du cheval et marche de l’humain
Ce texte a eu autant de mal à sortir que les bottes à s’extirper de la boue, heureusement que le cheval, dans le lointain, le porte un peu. Merci d’être passée Juliette !