Photo Juliette Derimay
À cause de la couleur, tu te rends tout de suite compte que ça ne va pas être simple. Du plus pâle pour le tendre, plus foncé pour le brave qui a eu la vie dure, presque noir pour les points qui disent les entrées d’eau, les étoiles marron sombre pour les départs de branches et les points pointillés des petites branchettes autour de la charpentière, presque blanc et poussière dans les galeries de bestioles et le gris nauséeux des cavités creusées par un pic vert ou noir, ou même un pic épeiche. Ce morceau de bois là pourrait aller au feu. Mais il y a cette histoire du fil pas rectiligne, du fil tout emmêlé qui fait des arabesques et des dessins d’enfant, des nœuds qui font les yeux et les veines le bec, des lettres d’un alphabet connu de l’arbre seul qui dit les champignons qui ont trouvé refuge au coin d’une branche cassée, saisons sèches ou humides qui font se serrer les stries comme on se serre la ceinture, histoire de ce grand arbre écrite en tatouages maintenant qu’on l’a fait bois. Ensuite, tu lèves les yeux, tu es dans l’atelier. Poser d’abord la main comme pour faire connaissance, comme on laisserait au chien le temps de renifler avant de s’approcher. Se pencher et souffler pour enlever la poussière qui masque le grain du bois, le fil qu’il faudra suivre si tu ne souhaites pas finir dans une impasse. Puis viennent les outils, les scies et les rabots. Pieds un peu décalés pour que ton corps soit stable, un coup d’œil au tranchant, juste y passer le pouce avec un léger angle pour ne pas se couper, mais pour sentir quand même comme ce serait facile d’y laisser de la peau. Et puis poser la main, voire poser les deux mains ensemble sur le manche ou bien sur la poignée, là où c’est plus foncé et là où le vernis n’est plus depuis longtemps. Là vient la différence. Tu repousses loin de toi les outils de par ici et tu les tires vers toi quand ils viennent du Japon
Les histoires de main(s), ça me suit depuis longtemps (à moins que ce ne soit l'inverse ? ). Et les histoires de bois aussi. Alors l'idée qui vient serait de profiter de ce cycle gestes pour voir si ça se ferait de faire quelque chose autour des gestes du bois... Vous me direz ?
« Pose la main pour faire connaissance »C’est très beau cette histoire de mains, de bois.
Merci
Merci ! et en passant, merci au toutou qui est venu faire connaissance de cette façon là juste comme j’étais entre deux morceaux de ce texte 😉
Aidée aussi par Ryoko Sekiguchi et son intérêt fort pour les sensations
Excellente idée et la lecture de ce texte ne peut que renforcer mon adhésion… Au plaisir de poursuivre cette lecture !
Merci pour l’adhésion, ça va aider à tenir la distance !
comme un mode d’emploi qui serait poétique par la force de ce bpois… qu’il est beau et atant par les mots que par la photo
mais comme aux temps où. mesmains me démangeaient en voyant, sentant le bois, ce serait des ciseaux qui me viendraient dans les mains et que cela serait lui faire injure ce sit vos deux mains et vos gestes qui lui conviennent et leurs gestes tels que détaillés
Oui, ciseaux aussi, j’y viendrai surement puisqu’incontournables. Mais là, je voulais finir par cette différence de maniement des scies et rabots entre Europe et Japon, ce que ça implique pour nous de repousser ou d’attirer à soi alors que pour le copeau, c’est à peu près la même chose…
Juliette, beaucoup aimé cette approche du bois, l’univers qu’il contient, les gestes , l’émotion pour le transformer
Merci, en espérant que la suite de mes boiseries te plaira aussi !
de la couleur à la caresse avant la cognée…
et tous ces nœuds, ces fissures, ces écritures !
un thème que tu as souvent abordé, l’arbre et le travail du bois
je me souviens de certaines pages dans un de tes manuscrits présentés il y a déjà un peu longtemps…
Oui, déjà abordé, c’est aussi ça qui est intéressant, voir la même chose autrement…
Et le texte dont tu parles est dans la première version du texte que j’avais présenté, le récit de voyage avec Blaise, le manchot…. Encore un dont il faut que je m’occupe, mais pour l’instant disons qu’il suit les conseils donnés par le groupe à ce moment-là, il peaufine sa culture en lisant les bouquins de son homonyme, Cendrars 😉
« des lettres d’un alphabet connu de l’arbre seul » et que tu déchiffres si bien ( la photo est très belle aussi)
Merci Nathalie ! et merci pour l’idée de l’alphabet, je la garde pour plus tard 😉
Des bois, des mains, des outils, des gestes. Hâte de vous suivre dans l’odeur des copeaux. Merci Juliette.
Merci pour la lecture, Ugo, et à la prochaine alors 😉 en espérant que je sois à la hauteur de tes attentes de copeaux !