A cause de la couleur argent de son chignon, à cause des reflets violets sur les mèches échappées, elle se tourne les pouces. Le châtain clair des boucles a disparu. De fins cheveux multipliés en toutes nuances de gris ont remplacé. Elle regarde sans voir les montagnes au-delà assise près de la fenêtre. Ses mains autrefois usant la terre, chaque herbe arrachée d’une pince vive entre pouce et index répétée tout au long du rang ne laissant dans la terre que ce qu’elle choisit, régulièrement changeant de position, penchée le dos droit les genoux pliés assez pour que les mains arrivent juste au sol ou accroupie tandis qu’un coude s’appuie sur la cuisse l’avant-bras libre pour travailler. Le pouce ne rejoint maintenant l’index qu’au prix d’efforts qu’elle ne fait plus.
Mais assise près de la fenêtre quand ses mains reposent sur ses jambes, ses doigts se croisent, elle laisse sans le vouloir ses pouces s’enrouler l’un contre l’autre avec lenteur, elle se tourne les pouces, chaque pouce entoure l’autre comme le caressant. Elle sent sa peau, si elle ferme les yeux elle ne sait plus lequel tourne autour de l’autre. Elle peut varier l’éloignement parfois juste un mouvement de la dernière phalange. Elle peut ralentir le manège pour frotter son ongle et s’arrêter sur les irrégularités de sa surface, ses ongles sont bien soignés pas limés en arrondi mais en petit triangle à la pointe adoucie. Elle traverse ainsi les journées après qu’elle a posé le livre. Elle relit toujours ce passage elle mouille son index pour tourner les pages, elle revient en arrière et ses yeux dérivent, elle a oublié. Elle se tourne les pouces et quand elle prend conscience de son geste lui revient le souvenir de celle qui avant elle à la fenêtre regardait le jardin et traversait les journées en se tournant les pouces.
Rétroliens : #gestes&usages #03 | Rêve du 04 février – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer