J’arpente les rues de Lyon à vélo, un Kona à freins à disque, guidon plat, roues de 26 pouces, pneus roulants de moyenne section. Coursier, je n’ai le temps de m’arrêter qu’aux feux rouges et aux secrétariats d’Université le temps de trouver quelqu’un. Je pense à une discussion que j’ai eu le week-end au « club des intellos » où j’avais échoué juste avant l’aurore aux doigts de rose. En attendant de commander une bière au bar, mon voisin de zinc m’a parlé du vélo couché. Le lendemain, j’ai surfé sur le web. Maintenant je ne pense plus qu’à l’inconfort de mes fesses, à la tension en bas du dos, la tension dans les poignets et la nuque. J’ai bien déjà vu une fois un vélo couché. Je roulais vers le nord sur une route toute droite le long du lac Vänern , épuisé par le vent. Dans l’autre sens, il m’a salué d’un geste de la main en souriant. J’ai fait demi-tour. Et si je roulais couché ? J’achète un recumbent d’occasion. Je le pousse jusqu’au Parc de la Tête d’Or, le dos un peu penché car il a un guidon bas, et deux roues de tailles inégales, avec vingt pouces à l’avant. Une fois passé le portail, je bifurque vers l’allée de droite. Je lance ma jambe par dessus la bôme. Je m’allonge. Un pied sur la pédale, je me lance. Je me crispe. J’ai tendance à vouloir me relever, ce qui immanquablement me déséquilibre. Ce n’est pas si simple de s’allonger dans un lieu public. Je recommence. Les allées sont larges. Peu de monde. Ça y est, au niveau des serres tropicales, je vole. Je panique presque de me sentir aussi détendu, de me sentir comme un travelling avant, vision panoramique. Je souris. Je souris moins quand j’y pense la journée au travail en vélo droit. Le long du quai Fulchiron, je rêve de m’allonger au bord de la Saône et de fendre le vent. Même idée plus loin sur le quai Pierre-Size, et au retour sur le quai Saint-Vincent, et encore sous les trémies de Garibaldi. J’arrête ce travail au printemps, je l’avais décidé avant cette découverte je crois. Je voulais éviter l’étouffoir estival de la ville aux particules fines alors que je pouvais travailler momentanément en respirant un air marin. Je mets le vélo couché dans le train avec les bagages. Je n’ai fait qu’un tour de lac du parc pour l’instant. Jamais fait une montée encore avec. Je descends à Strasbourg, je vais encore en train à Offenburg où j’achète un billet pour le train de nuit du lendemain pour Copenhague. Je décide d’aller dormir sur les hauteurs des coteaux, on aperçoit des forêts au-dessus des vignes.
Beaucoup aimé la promenade de ce
« divin divan » comme suivre vos images ( Instagram) . Les gestes, le corps, les tensions et les détentes … et cette image de travelling volant à ras de sol
Merci, d’autant pour les photos de votre part !
Jolie balade en effet, tant dans votre texte, dont j’apprécie la fluidité, que dans vos images (Abbatiale en Dordogne, découpée aux nuages).
Merci, les ciels et les lumières de Dordogne sont souvent saisissants
Malgré le changement d’engins, de destinations et de paysages, un continuum dans la sensation de vitesse et de légèreté.
Merci. C’est le souvenir et la sensation que l’on garde après-coup, alors que comme dans les autres activités d’endurance, de trajets, ou dans la lecture-écriture ce sentiment de fluidité est plus rare sur le moment.