#gestes&usages #04 | mocassin

Il se souvient très bien de qui lui a appris à attacher ses lacets. C’est sa mère qui lui a montré comment former des boucles et un nœud. Elle ne s’occupait pas beaucoup de lui et le laissait à la surveillance de ses parents. Elle ne lui avait pratiquement appris que cela : comment attacher ses lacets. Le reste, son éducation, ce sont ses grands-parents qui s’en sont chargés et l’école de la république lorsqu’il a eu l’âge d’aller en pension. André Barrière a dû apprendre à faire ses lacets lorsqu’il devait avoir six ans, lorsque sa mère lui a acheté ses premières galoches pour aller à l’école. Avant, il restait à la ferme de ses grands-parents avec des sabots en bois.

Plus besoin de faire ses lacets désormais. André Barrière revêt des mocassins afin d’éviter de faire ses lacets justement. Il est trop corpulent pour se baisser, avec cette barre qui lui scie le bas du dos. C’est sa femme qui lui met ses chaussettes. Tous les jours, il se couche sur son lit pour que sa femme lui enfile ses chaussettes, puis il met son pantalon avant de revêtir une chemise et un pull. Pour enfiler ses mocassins, il utilise un grand chausse-pied Il attrape d’abord sa chaussure avec son pied puis il se sert de son chausse-pied pour faire entrer son pied dans son mocassin. Un geste qu’il assure lentement pour ne pas abîmer ses chaussures et leur contrefort, mais une opération qui n’est pas toujours évidente si ses pieds se mettent à gonfler dans la nuit. Cela fait trente ans qu’André Barrière ne met plus de chaussures à lacets et qu’il a adopté les mocassins, depuis sa première couvade, à la naissance de son premier enfant. A l’époque, il avait adopté le mocassin à gland, comme les grands bourgeois, lui l’agent immobilier installé dans la région parisienne. Il avait un pied à Levallois et un pied à Saint-Marcou. A Paris en semaine, dans le Perche-Gouet le week-end. Désormais détaché de ses obligations parisiennes, André Barrière s’est attaché à la mairie de Saint-Marcou. Il aime bien la secrétaire de mairie qui lui rend tous les jours son plus beau sourire. Elle connaît de nombreuses histoires secrètes du maire de sa commune qui s’y connaît en affaires, et plus particulièrement en affaires immobilières.
Aujourd’hui, il adopte le mocassin sans gland. Ses enfants ne lui pardonneraient pas cette faute de goût typique de certains milieux des années 80. Il ne tient pas à être la risée de ses enfants. Ses petits-enfants ne comprendraient pas. C’est le genre de faute de goût qui date, et les blagues qui vont avec aussi.

A propos de Elise Dellas

Court toujours. Ou presque... La retrouver sur son compte Instagram.

2 commentaires à propos de “#gestes&usages #04 | mocassin”

  1. J’ai du arrêter la lecture à « André Barrière », une course rapide à faire…

    « Ah…c’est Alain…ah…tiens c’est la chanson à laquelle j’ai pensé hier, j’ai oublié d’aller l’écouter… »

    https://www.youtube.com/watch?v=JLE0kjCyTT8

    Alors je suis revenue relire avec la chanson en boucle…ça matche très bien, pour moi.

    Il y a des choses que j’adore détester (traduction, moi-même, la cuisine, etc.).
    Il y a des choses que je déteste aimer (traduction, moi-même, la cuisine, cette chanson par exemple).

    La lecture en écoutant la chanson a adoucit ma détestation…je cherche…nan, po mieux pour l’instant.

    • André Barrière écoute cette chanson d’Alain Barrière évidemment qu’il aime sans la détester. Merci pour la lecture avec Alain Barrière en fond sonore. C’est moins dur à lire avec effectivement