Photos de Claude Simon
Quand tu étais enfant, tu portais le même regard en contemplant ton vélo bleu, tu adoptais la même fermeté pour le maintenir debout.
Tu aimais pédaler, courir à vélo disais-tu, tu aimais la puissance offerte, — aller d’un point à un autre en si peu de temps, arpenter des espaces ne cessant de grandir, défiler sur la route bordée de platanes en ligne droite puis prendre les chemins de traverse pour zigzaguer, vagabonder, gravir les côtes, déraper souvent, tomber parfois.
Dis-moi, – où as-tu appris à monter sur un vélo, à pédaler. Le souvenir d’un petit vélo d’apprentissage ne me revient absolument pas, seul le vélo bleu de ma mère. Il était rangé au grenier sous une toile de jute, un grand vélo très lourd pour moi, mon grand-père l’avait remis à neuf, changé les pneus, graissé la chaîne, réglé les pédales et la hauteur de la selle. Tu pensais que si tu visualisais bien et décomposais tous les mouvements à exécuter tu n’éprouverais aucune difficulté à pédaler. Tu retenais un principe, si tu t’arrêtes et si tu ne poses pas les pieds au sol, tu tombes par terre. Tu disais il suffit de faire tourner les pédales. Souviens-toi. Le cousin Jean t’a appris le geste de pédalage pour garder l’équilibre, pour réaliser ce mouvement complexe. Voilà, tu revois le dessin qu’il avait réalisé pour t’éclairer. Tu prends conscience que plusieurs muscles travaillent, s’étirent, ceux des abdominaux, du fessier, ainsi que ceux du devant des cuisses, de l’intérieur des cuisses et des mollets. Tu apprends la pose active du pied d’appel donnant l’impulsion puis la poussée puis la suspension puis la réception. – Allons, fais un effort, écoute bien, disait le cousin passionné par le fonctionnement du corps et – vois de plus près les différentes étapes du pédalage. La poussée consiste à faire aller tes jambes vers l’avant en effectuant un mouvement de pression vers le bas. Durant cette phase, extension de la cuisse associée à une extension de la jambe et du pied. Le grand fessier, le quadriceps et le triceps sural sont sollicités. La transmission basse assure la transition entre la poussée et la traction. L’extension de la cuisse continue, mais une action de flexion vient s’ajouter au mouvement, en plus d’une extension du pied. La traction est réalisée par une flexion prononcée de la cuisse. Ici ce sont le psoas iliaque, le droit antérieur, le couturier et les muscles abdominaux qui sont mis à profit, avec une flexion du genou engendrée par l’action des ischio-jambiers. Enfin, la transmission haute est la dernière phase qui constitue le cycle de pédalage.
Pas sûre d’avoir tout compris ou mémorisé.
Très vite tu t’es lancée avec succès en distinguant les phases de contact au sol et les phases aériennes, trouvé le bon dosage de l’accélération et du ralentissement en fonction de l’état du chemin, des contraintes de temps ou de l’humeur. Ce qui comptait pour toi, sentir, ressentir, imaginer, penser, décider sur ton vélo. Réagir à la chaîne qui déraille, au pneu qui crève. Repartir et ne faire plus qu’un avec la machine. Tu n’as jamais compris que l’on puisse utiliser des formules triviales comme pédaler dans la cancoillotte, pédaler dans la choucroute, pédaler dans la semoule, pédaler dans le couscous, pédaler dans le yaourt, pour dire — se démener de manière désordonnée et en pure perte. Pour toi pédaler ne pouvait exister que dans le vent, dans les parfums les odeurs que tu respirais, dans la rêverie, dans le parcours de lieux insolites. Pédaler c’était comme mettre en route un moteur et avoir la sensation de pouvoir quitter le sol. Quand une pente survenait quand la vitesse s’élevait, tu interrompais le pédalage, fusionnais avec le paysage, ressentais un espace infini, osais parfois fermer les yeux.
On pourrait bien croire que le cousin Jean était kiné ou orthopédiste avec un vocabulaire aussi spécialisé..; une vraie « Leçon de choses » en écho à l’auteur des photos noir et blanc ! (clin d’oeil)
Très belles dernières lignes… et pour finir, on ferme les yeux avec toi, on prend tous les risques…
je me suis amusée avec la leçon de choses
je voulais marquer le contraste entre les sensations et le savoir
merci Françoise de ton passage
quelle belle évocation et comme je m’y retrouve !
j’aime beaucoup ce « courir à vélo »
merci Françoise de votre écho.
courir à vélo,pédaler et se sentir libre
Pédaler dans la cancoillotte !
Cet après midi justement sur France Culture une émission sur Philippe Bordas et son livre, forcenés sur le geste « courir à Velo ».
Merci pour ton texte!
Merci Solène pour cette info, je ne connais pas cet auteur.
merci aussi pour votre passage.
Je ne vous connais pas encore