L’orange se combine au jaune, au rouge, se décline en moutarde, rouille, grenat. Et c’est l’automne en toutes saisons. À la Toussaint, on suit en cortège un gamin de dix ou douze ans, un des gitans qui habitent le quartier bas de la ville. Il pousse énergiquement la charrette de fer surmontée de vases de chrysanthèmes, jaunes, rouilles, de Marceline blanches, orangées. C’en est fini des sorties en taille, on a mis le manteau en velours. Les chaussures d’hiver sonnent sur la chaussée à cause des clous qui tiennent les fers. Fers maintenant en plastique mais encore trop bruyants. Ils signalent l’économie. Le dimanche soir, on cire les chaussures, les fait briller avec un tissu de laine, et c’est le poids de la semaine qui s’annonce. Plaisir de relever la capuche du duffle-coat à carreaux jaunes et marron réversible qui devient comme une tente, une maison où se réfugier. Manteau réversible larges ourlets aux pantalons, aux manches des vestes. Tout est pensé, acheté, pour durer. Le pull en laine tricoté à partir de la laine du pull précédent. Mains écartées à trente centimètres de distance, entourées de laine, que la mère peu à peu libère, et de l’écheveau fait une pelote dense, ronde. Laine dans les tons de beige, de rouille qui était celle du pull du père, de la veste de l’aînée, demain du pull-tube de la cadette. Couper une longueur de laine, la nouer d’une seule main, à la manière des couturières, puis passer deux fois la ficelle autour des poignets, avec le majeur de la main gauche saisir le fil de la main droite, avec le majeur de la main droite saisir le fil de la main gauche et dessiner dans l’espace un berceau, un parachute, une scie, des rails. Dévider le carton de l’élastique plat acheté à la mercerie, installer deux chaises à distance suffisante, glisser l’élastique sous les pieds des chaises, et sauter. Sauter dans l’élastique comme on saute dans la mer.