Main de gauchère, main maudite, pas la bonne main, à l’envers, de travers, mais comment va t-elle faire pour apprendre à écrire ? Lui attacher la main et l’obliger à prendre l’autre. Non, trop cruel ! Quels ont été les gestes pour l’inciter à virer à droite. Elle ne se souvient plus mais ce dont elle se souvient, c’est d’avoir la sensation d’être spéciale, pas pareille, pas comme les autres, avec un défaut en plus ? Peut-être mais cela ne l’a pas empêchée de prendre un stylo et d’y aller. A quoi ? A écrire et beaucoup, beaucoup et même que sur toutes les photos d’enfance, elle a une tache d’encre sur le doigt. Devait pas savoir bien tenir son stylo celle-là et de la mauvaise main en plus !
Et pourtant, elle le tient bien droit son stylo, pas en pliant son poignet comme elle l’a vu sur d’autres, non, bien droit, alors peut-être qu’elle n’est pas une vraie gauchère, ? Double pêché ! Elle le tient bien droit et s’applique à inscrire rondement les lettres sur son cahier de brouillon aux lignes à petits carreaux et même que plus tard, elle écrira les plus belles rédactions de sa classe et qu’à chaque fois, la professeure de français la fera lire à voix haute, parce que c’est drôlement bien ce qu’elle a écrit et heureusement, car c’est tout ce qu’elle savait faire à l’école.
A seize ans, elle a écrit un livre au stylo bleu et noir sur un grand cahier. Le geste d’écrire, était sa façon de parler, de crier en silence, de se révolter, de s’interroger. C’était sa page, sa liberté, son monde, de la tête au cahier, de la main au stylo. Elle était ce qu’elle écrivait et non ce qu’elle montrait aux autres, son vrai moi était caché dans les mots. Ce premier livre, elle ne l’a jamais montré et l’a jeté à la poubelle, des années après.
Elle a laissé tomber l’écriture pendant longtemps, sans se rendre compte, l’air de rien. Elle n’achetait plus de stylos ni de cahiers. Elle ne parlait plus en cachette. Elle criait haut et fort qu’elle existait mais était-elle entendue ? Elle n’écrivait plus, elle lisait les autres. Elle en a même oublié qu’elle aimait écrire.
Et comment ça lui est revenu ? Elle ne sait plus. Un beau jour, il n’y a pas si longtemps, elle a acheté un cahier, un beau cahier avec des lignes et des stylos et des feutres. Elle n’a rien dit à personne. Elle est allée dans un atelier d’écriture et elle a écrit, raturé, pas osé, osé, s’est trompée, s’est jugée, a recommencé, a continué, continué, continué.
Ce jour-là, elle a eu le sentiment de se retrouver et plus elle écrit, plus elle se tait.
La gauche, la sinistra en italien…je ne savais (ne sais ) toujours pas tenir mon stylo, même mise à l’index que pour les gauchers ! Mais ça n’empêche pas d’écrire, non ?! Bonne journée
Complètement cela n’empêche pas d’écrire Stéphanie. Bon dimanche.
elle s’est retrouvée
Merci Brigitte.
« et plus elle écrit, et plus elle se tait ». Et pourtant…
J’espère que tu vas bien Laure, à bientôt.