Courir c’est dépasser. Et se dépasser. Ce système de poulie qui entraîne, ce système de transaction musculaire. Je troque mon propre effort contre le ralenti ou la moindre vitesse de mes concurrents. La première fois, je dépasse en dilettante. Je cours, c’est tout, et je vois défiler tous les autres derrière moi. Je tourne la tête à chaque fois. Je n’en reviens pas de passer devant tout le monde. Ce premier cross me laisse d’abord étonnée puis fougueuse. Sans en avoir l’air ni véritablement conscience, j’accélère. J’accrois ma foulée. Je force dans l’élan même de mon enthousiasme. Je ressens dans le fait de pousser mon corps une exaltation rarement vécue avant. Je jubile jusque dans la moindre terminaison nerveuse, chaque tendon vibre, chaque muscle se durcit. J’atteins mes limites et mon cœur s’emballe, bat si vite que j’ai l’impression de m’envoler. Dépasser les autres est une petite revanche mais me dépasser est une grande récompense, surprenante, inespérée.