À cause de la couleur de ses ongles, éternellement rouges, on ne parvient pas à l’imaginer dans un cercueil sombre. Même au crépuscule de sa vie elle continue, inlassablement, maladroitement certes, de plus en plus gauchement, oui, sans doute, mais elle continue. Un rouge sans nuances, plein, ne tirant ni sur le rose- horreur, jamais elle n’aurait accepté- ni sur l’orange. Dans sa piaule de maison pour vieux, il est le seul vestige, elle n’a que faire des effets personnels comme ils disent. Mais dans la monochromie stérile à laquelle elle consent sans broncher -blouses blanches, murs nus, carreaux de salle de bain sans frises, gants de toilette ternis- figure le petit pot de vernis. Rouge. Quinze millilitres. Et ce geste. Elle ne saurait dire à quel âge elle a commencé, comme si on pouvait naître en sachant se faire les ongles, le mythe. On avait essayé de l’envoyer à l’atelier du mardi, le jour de l’esthéticienne. Mais sa dextérité, même secouée par les années, avait dépassé toutes les attentes. On ne l’avait plus inscrite, c’était humiliant pour les autres. Elle n’avait besoin de personne. Lentement, délicatement, comme si elle parvenait à dire à ses mains de cacher leur âge l’espace d’un instant, elle passait le petit pinceau- quelques millimètres, de bas en haut. Remonter patiemment l’ongle. Courbée sur son geste dans le coin de la chambre 110, elle retrouvait là un temps hors de son âge. Tout se finissait à la fermeture du bouchon, où elle redevenait une petite vieille comme les autres, dans l’uniformité de son mouroir.
Rien à dire. On voit la couleur, on voit le geste, et le sourire de satisfaction qu’elle contient
Merci Philippe pour ta lecture et ta perception…
Touché. Vécu. Merci Marie-Caroline
Touchée en retour; merci Ugo.
Bravo. Admiration pour ce geste que certaines maîtrisent et d autres non.
Merci Danièle, contente de te retrouver
magnifique et touchant de réalité, merci
Merci, je suis touchée
Très beau et touchant. Merci de rendre unique chacune de nos aïeules.
Merci Jean-Luc…je suis touchée par ces retours sur ce texte, vraiment..
Très beau, merci. Vécu moi aussi. (J’étais venue lire ici parce qu’il me semble ne rien comprendre à la consigne et ça m’éclaire.)
Merci pour le passage et le mot!
Magnifique !
Merci Helena!
Un geste d’écriture aussi sûr que celui de la pose du vernis, bravo !
PS : moi aussi c’est la couleur des ongles qui ouvre mon texte, mais ce n’est pas du rouge.
OH merci! très envie d’aller lire ce texte dès que possible!
Ton texte me ramène à la surprise renouvelée de voir des mains amies vernies pour la première fois dans la cinquantaine d’une chimio. Il y a quelque chose d’une élégance terrible à savoir ne maquiller qu’une seule partie du corps et en monochrome. Il est question de verni dans mon #1 également, et ton texte me donne envie de filer la métaphore…
Oh c’est un touchant lien…merci….et alors je vais aller lire ton texte….merci encore pour ton passage par ici…à très bientôt
Magnifique !
merci Françoise!
Saisissant ! la couleur… mais le geste, cette pose ou cette pause : ces centimètres de laque rouge contre la mort. (Je me souviens qu’elle a dit ne me laissez jamais avec des ongles négligés, je veux partir avec des mains impeccables, des ongles polis …) Merci pour ce texte fort.
merci pour ce bel écho à mon texte…fort aussi…vraiment.
formidablement juste – l’apparente petite chose que l’on pet charger de remplacer le passé, l’entêtement, permettre d’être toujours uncondensé de soi
Oh merci pour ton passage par ici chère Brigitte!
Ce texte me ferait monter les larmes aux yeux. Merci pour ces mots.
je suis, en retour, très émue du commentaire..merci Solange
Dernier éclat de vie, rouge vif, sans concessions. Très beau texte.
Merci Muriel pour cette lecture!