collège du parc la cour au mois de mai chaleur touffeur dans un coin derrière le garage à vélos un cercle d’une dizaine de corps se forme autour de deux adolescents rageurs transpiration moiteur les cris fusent tue-le vas-y tue-le aussitôt des corps s’élancent des quatre coins de la cour pour rejoindre le cercle qui s’épaissit c’est le signal ça gronde ça crache aisselles humides bouches tordues les regards excités s’allument ça crie tue-le mais vas-y tue-le une petite se faufile entre les corps des grands aux baskets de marque jeans moulants elle se faufile pour mieux voir gagne le premier rang s’accroupit dans la poussière mais qui doit tuer qui au centre du cercle les deux face à face yeux dans les yeux ils grognent bras tendus agrippés aux épaules de l’autre les fronts se rapprochent corps arqués vers l’avant les visages s’écrasent les jambes écartées coulissent de droite et de gauche genoux fléchis dents serrées cous gonflés veines saillantes ça pousse ça grimace ça force dans un rugissement brutal une main lâche un poing frappe coup sur la pommette un corps tombe lourdement coups de pieds coups de pieds la poussière vole repli rebond debout claque poings ventre tête nez coup de boule poignée de cheveux arrachée déséquilibre les deux corps roulent au sol dessus dessous dessus dessous deux mains enserrent un cou des pieds battent l’air l’arrière d’un crâne cogne le bitume rebondit le cercle exulte du sang du sang les bouches ouvertes crient à l’unisson du sang du sang et la petite se surprend à crier avec elles du sang du sang et de nouveau dessus dessous dessus dessous ça roule ça frappe une main s’enfonce dans la face de l’autre tandis que des taches rouges s’écrasent dans la poussière du sang du sang coup coup coup droite gauche ventre ventre tête jusqu’au silence soudain quand deux adultes brisent le cercle relèvent les corps tombés non mais ça va pas ? aussitôt le cercle se dissout baskets de marques jeans moulants s’éloignent bouches sèches d’avoir tant crié les regards s’éteignent les mains se desserrent et quelques rires goguenards fusent ben quoi on n’a rien fait la petite hébétée se redresse en secouant la poussière de ses vêtements elle retourne à ses jeux
pas sûre de cette absence de ponctuation… même si je ne vois pas comment faire autrement
Absence de ponctuation bien sûr parce que c’est une mêlée et que sous l’empire de la violence il n’avance plus à rien et est trop tard de savoir qui quoi mais, à partir du point d’interrogation (ça va pas ?), de l’intervention du corps éducatif il me semble que, par contraste, le retour de la ponctuation, réopérant les anciennes et conventionnelles distinctions (réinstaurant une forme de civilisation, d’individualisation), serait bienvenu
merci Christophe pour ce retour. effectivement j’ai posé ce point d’interrogation comme une rupture, quelque chose qui rompt la barbarie de l’instant. du coup ta proposition m’intéresse bien.
merci !
réussite de toute façon
Le plus triste, cette envie de sang comme au cirque romain, tous ces jeunes mains prêtes à baisser le pouce.