J’avais douze ou treize ans, j’aimais fouiner dans la bibliothèque de mes parents. J’y avais découvert des romans policiers, des livres de poche illustrés de couvertures aguichantes, je les prenais en douce et les lisais en cachette, planquée sous mes draps, armée d’une lampe de poche ; ces lectures nocturnes n’étaient pas de mon âge et me terrifiaient parfois. Mais un jour dans la bibliothèque j’ai ouvert au hasard un ouvrage d’allure plus austère, sans la moindre image sur sa couverture brune et rigide. Je ne sais pas ce qui m’a poussée à l’ouvrir. Le titre, simple et banal, un peu vague mais pouvant renfermer une infinité de significations, m’avait-il intrigué ? L’auteur, un classique, m’était sûrement inconnu à l’époque. Quoiqu’il en soit je l’ai lu et le souvenir de cette lecture est intense.
Pour la première fois de ma vie, c’est la beauté de la langue qui me percute et me captive. Un choc que je n’oublierai jamais, un véritable foudroiement, ma première rencontre avec la « littérature ». Cette découverte du véritable plaisir de lire m’ouvre sur un monde infini et expédie tout ce que j’avais pu lire auparavant aux oubliettes. Il y a véritablement un avant et un après. Je lisais avant et j’aimais déjà lire, mais je découvre que tout cela était fade et sans intérêt, comme si après avoir été biberonnée à la piquette de supermarché je découvrais un sublime grand cru. Impossible de revenir ensuite à cette horrible piquette dont je me contentais pourtant avant.
Quel rôle l’histoire de ce roman a joué dans cet éblouissement ? Je n’en sais rien, c’est une histoire triste, marquée par une sorte de fatalité, centrée autour d’un personnage féminin auquel je me suis sans doute identifiée et qui a dû trouver une résonance en moi. J’ai relu ce roman plusieurs fois depuis, sans jamais être déçue et toujours avec le même plaisir. Son auteur, dont j’ai lu la plupart des œuvres ensuite, reste un de mes auteurs préférés. Et je lui suis reconnaissante de cette transformation opérée en moi par la magie de ses mots.
Bonjour Laurence,
La fillette ravie par la lecture, cette scène primitive est de celles qu’on voudrait avoir vécue, une intronisation à autre chose qu’aux histoires à lire, elle dit les livres à disposition, la liberté, c’est magique comme expérience, et annonce tant…
Bonne traversée des comédies humaines de cet été 23,
Catherine S
Merci beeucoup pour cette lecture Catherine !!!
Ravie d’embarsquer pour cette traversée en si bonne compagnie.
Laurence
oui cette merveille quand on découvre que la langue est tout et que le récit d’aventures le plus foisonnant ou émouvant ne vaut que par elle, le plus anodin en apparence si on le résume pouvant être infiniment plus important
Oui, c’est tout à fait ça. Merci pour cette lecture Brigitte !