Celui qui se perd. Activité grégaire codifiée : être foule. Guerre ou procession, l’ordre c’est la marche, la marche doit être en ordre, victoire de chacun ou sublime déroute de tous, victoire d’équipage ou fuite éperdue. Sinon, faire la queue bien en file et s’asseoir aux places assignées. Quiétude pour nos gardiens, fussent-ils anges ou casqués armés du charriot porte-boissons. Comme un houle, parfois lente, parfois vigoureuse, elle s’avance, recule, se compacte, relâche, en pointillés noirs, rouges, blancs, nets, flous de ces têtes comme crêtes sur cette vague ondoyante. Des rires parviennent jusqu’ici, entre deux effluves de saucisses grillés, trois de maïs grillé et quelque musique s’échappant d’un local. Tâches colorées des ballons à l’hélium. La foule floue s’écarte pour laisser passer les secours puis s’agrège sous la lumière vive des projecteur en attendant l’arrivée du Saint de la mer, les feux d’artifice, puis le noir, puis le silence. Fête patronale. Cheveux pas vraiment peignés, vêtements sans charme d’un mauvais rose. Moche semelle d’une chaussure de sport bleu lagon. Et la voix avec ces I LOVE heureuse de parler à une concitoyenne vêtue de noir, le cheveu blond, assise sur l’autre siège-couloir. Devant, une chemise moutarde de satin qui cache, un petit peu, car elle s’adresse à son mari en courbant un peu le dos, l’âge que ses traits ne peuvent pas dire, lisse sous le parfait du maquillage orné de boucles d’oreilles en perle de nacre. La monture noire des lunettes sied à son visage ovale. Puis elle regarde une photo d’elle aux côtés d’un sapin de Noël comme dans le meilleur magazine, agrandit l’image, goûte un détail. Puis elle somme sa fillette de rester calme et comme il faut. Puis elle se tourne à nouveau vers son mari. Puis elle reprendra son smartphone des mains de la fillette pour jouer à son tour. Visage courtois et impassible près du charriot-boissons. VOUS DESIREZ ? Voix rauque du commandant. NOUS COMMENÇONS NOTRE… Soleil intense. Foule ordonnée et déjà lasse d’un avion de ligne. Basquets et pantalon pratique. Tenues de voyage standard bon ton qui défilent. Actrice enveloppée dans son long manteau ceinturé tournant ostensiblement le dos à la foule qui l’a reconnue et ne dit qu’à l’oreille de l’autre. TU AS VU, C’EST ELLE. Femme poussive, on devine une rougeur sur les joues, et sa valise à roulettes, dépitée de ne pouvoir entrer à l’avant, où tous font mur pour garder leur espace vital, main sur les barres d’acier, sans qu’aucun regard ne soit surtout pas échangé. Un chic relatif. Voix plus grasses et un peu maffieuses, survet ad hoc et mauvaise barbe. Enfant en tongs qui garde toute sa fraîcheur de vie sous le regard du père d’une sévérité inquiète, venu la prendre pour les vacances. Regards asiatiques. Nuques militaires. Raideurs cool policières. Foule des bus vers le Terminal. Pantalons à carreaux. Chaussures chamoisées. Bottes. Ballerines. Vestes qui tombent d’aplomb. Visages pressés des passagers prioritaires à l’embarquement. Visages furtifs, déjà oubliés, lueurs volées l’instant d’un non voir. Visages comme des milliers d’autres. Foules dont on ne voit que le dos.
PARFAIT
et je veux croire que ça va me lancer (différente mais avec votre texte en ligne de mire avec celui de David Foster Wallace) maintenant que j’ai changé de foule pour une qui aurait dû m’être évidente
J’aime la façon dont de la houle/foule vous passez à quelques flashs sur individus que l’on croit voir
Je réponds… avec du retard.
Merci beaucoup d’être passée et d’avoir apprécié.
Je suis surtout contente que cette composition aléatoire suscite votre propre créativité.
à bientôt!
Je suis d’accord. Super et super commentaire.
oh! merci bien (et toujours en retard dans mes réponses)
J’aime Comme on est pris en plein dedans . Dans ces foules de détails. Mouvement. Angles . Amalgame. Immersion. on sent si bien tout ça (… de mon côté pas encore trouvé l’entrée. )
En fait, j’étais perplexe (définition initiale)… puis je me suis souvenue des « perspectives » d’observation chères à François Bon.
très belle phrase de chute…
et beaucoup aimé ces détails de vêtements, références à chacun qui chemine devant soi… ça roule, ça « houle » !
On voit sans voir tout en voyant. Disons cela ainsi.
J’aime tous ces degrés divers de strates visuelles. Et la fin aussi. Merci.
François Bon docet!