La clinique
Cette clinique était située sur un vaste square, le square Marie-Louise. Jamais elle n’avait cherché à savoir qui était cette Marie-Louise, jusqu’à très récemment. Quelques rapides recherches lui avaient permis de découvrir qu’elle n’était autre que Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche et impératrice des Français de 1810 à 1814, alors que la Belgique faisait partie des départements des anciens Pays-Bas autrichiens annexés par la France en 1795, et qu’elle avait fait deux brefs séjours dans les départements du Nord et entre autres au Palais de Laeken, une l’année de son mariage et l’autre l’année suivante, ne laissant vraisemblablement pas un souvenir indélébile de son passage, ce qui ne pouvait que soulever la question du choix de sa personne pour nommer ce lieu dans un quartier où de grandes figures historiques comme Philippe le Bon ou Joseph II faisaient partie du paysage toponymique, choix dû peut-être au fait qu’elle était la petite-nièce (au passage, celle également de Marie-Antoinette) de ce despote qualifié d’éclairé ? Il n’entrait cependant pas dans ses intentions d’explorer plus avant cette question.
L’appareil photo
Acheté il y a près de dix ans, son appareil photo reflex, muni d’un zoom 18-135mm, n’est à l’évidence plus de première jeunesse, mais il lui suffit amplement pour l’usage qu’elle en a : dix-huit millions de pixels, autofocus haute-précision, objectif interchangeable, elle a récemment acquis un grand angle pour ses périples urbains, nombreux réglages dont elle ne se sert pas, toujours elle se dit qu’elle va se plonger dans le manuel, un petit livret de 319 pages, police de caractère grand maximum corps 10, un concentré d’explications technologiques truffées de reproductions d’écrans, d’icônes et de pictogrammes plus barbares les uns que les autres, d’abréviations et d’acronymes rébarbatifs, et toujours elle procrastine, mais il est là au fond de la housse, parce qu’elle pourrait en avoir besoin, sait-on jamais.
La sauce aigre-douce
La sauce aigre-douce est un grand classique de la cuisine asiatique et sa caractéristique principale est l’association des saveurs sucrées et acidulées. La base est la même dans toutes les recettes, oignons, poivrons, ananas pour les légumes, sauce de soja, vinaigre de riz ou de cidre, un trait de ketchup ou de coulis de tomate pour la sauce proprement dite, certaines recettes ajoutent du gingembre, d’autres de la sauce Worcestershire ou sauce anglaise, d’autres encore remplacent le sucre par du miel. Quand il va au restaurant asiatique, comme lorsqu’il est dans cette chambre d’hôtel, il prend systématiquement du porc aigre-doux, parfois du poulet, même si la sauce s’accommode aussi avec des scampis ou du canard. Il est conscient de son manque d’originalité vis-à-vis d’une cuisine qui, elle, est loin d’en être dépourvue, mais, faute avouée à moitié pardonnée, il adore ça, c’est son péché mignon et à force d’avoir testé ladite sauce au cours de ses périples à l’étranger ou dans son propre pays, il pourrait presque élaborer un guide des bonnes adresses avec un descriptif précis de la recette selon ce qui titille ses papilles gustatives aiguisées, des notes d’appréciation, ici les légumes sont croquants à souhait, là ils sont trop cuits, ailleurs à peine trois morceaux d’ananas dans une sauce trop liquide. Peut-être qu’un jour il s’y mettra quand il sera à la retraite.
Le sac à dos
Ce modèle de sac à dos fait partie des incontournables qui l’accompagnent dans ses petits déplacements de travail, ses city-trips ou ses randonnées. Il a juste la bonne dimension pour y glisser son MacBook Air, son appareil photo, son livre du moment, quelques vêtements de rechange et son nécessaire de toilette. Son précieux atout, elle en a fait l’expérience, est le système AirSpeed qui prévoit un filet dorsal tendu et très respirant associé à une ceinture abdominale pour un soutien optimal du dos. Il comporte une sangle de sternum et contient une housse de protection en nylon robuste qui se range dans une poche située dans la partie inférieure du sac. A cela s’ajoute des boucles pour les bâtons de randonnée et un emplacement pour réservoir à eau.
Les lunettes
Ses lunettes d’une célèbre marque allemande prisée par Steve Jobs, monture en acétate de cellulose, matériau noble et luxueux utilisé dans l’industrie de l’optique comme dans l’industrie du tissu et du vêtement est constitué d’une fibre soit naturelle composée de fibres de coton ou de bois, soit artificielle, cette dernière ayant été fabriquée pour la première fois par une société britannique en 1923 et reprise ensuite par les Etats-Unis qui en ont été les premiers producteurs mondiaux dix ans plus tard.
Le formica
Le formica est un matériau artificiel inventé en 1912 par deux ingénieurs de Westinghouse Electric Corporation pour remplacer le mica, un isolant électrique minéral du groupe des silicates dont elle pensait qu’il avait été connu du commun des utilisateurs sous le nom de papier mica, papier d’emballage transparent, type papier d’emballage de fleurs, qui produisait un son bien spécifique au toucher mais dont elle se dit finalement qu’il avait dû être confondu par ses grands-parents avec du papier cristal, et qui, additionné de résine et aggloméré en couches, a eu de nombreuses utilisations industrielles, découpé en rubans ou en plaques. Les deux ingénieurs ont ensuite fondé leur propre compagnie, la Formica Corporation à Cincinatti, Ohio. Constitué à la base de couches de tissus assemblées à l’aide d’une résine, le formica a ensuite été composé de couches épaisses de papier laminées au moyen de mélamine, une résine thermorésistante conçue dans les années 30 par American Cyanamid Company qui a vendu la totalité de sa production à la Formica Corporation désireuse d’utiliser le formica dans la fabrication de mobilier notamment de cuisine. Matériau peu coûteux à la production, le formica a fait son entrée dans la vie des Américains d’après-guerre et dans celle des Européens des années 60. C’est ainsi qu’il s’est répandu dans tous les domaines du quotidien, des cuisines, cantines et bureaux aux cafés, restaurants, chambres d’hôtel et lieux de loisirs en passant par les moyens de transport, surtout publics. Tombé en désuétude, le mobilier en formica a refait surface récemment dans la mouvance du vintage. Il est clair cependant que dans cet hôtel le vintage n’a pas cours, c’est le bon marché qui prime pour pouvoir maintenir des prix défiant toute concurrence.
La télé
Une de ces télés de chambres d’hôtel pas cher, une sous-marque totalement inconnue, très certainement « made in China », elle ne se donne même pas la peine de regarder l’étiquette à l’arrière ni si elle porte le marquage CE, normalement obligatoire pour tout produit importé dans l’Union Européenne, heureusement les écrans plats ne risquent pas d’imploser comme les anciennes télés à tube cathodique. C’est un modèle basique de petite dimension posé sur un support muni d’un bras extensible fixé au mur, comme dans une chambre d’hôpital. Les chiffres rouges de l’horloge digitale sont immenses et se réduisent à deux énormes taches rouges lorsqu’elle retire ses lunettes, ce qui l’oblige à se tourner du côté opposé pour dormir pour ne pas être dérangée par ces deux cercles rouges aux contours imprécis.