Un bruit de foule au bout du corridor cerné de vitres. Il marche attiré, aimanté par les sons. Le bruit de foule l’oriente. Il marche dans cette direction dans ce temps gris. Le ciel gris se réfléchit sur les vitres. Il marche, le bruit de ses pas le plonge dans une sorte d’état second. Il garde ce rythme. Il marche comme cela depuis un moment sans rien d’autre que le sentiment de son corps, sans rien percevoir que les vagues reflets sur les vitres autour. Les bruits de voix arrivent par vague, un cri, des voix plus rauques. Il transpire. Il vérifie sa valise par un coup d’œil furtif. Il marche. Il refait intérieurement la liste de ce qu’il y a faire bientôt au bout du couloir prendre cette correspondance. Aller prendre mon ticket à cette machine se retrouver sur ce quai. Je connais les lieux je connais je connais …soleil derrière les vitres chaudes, il fait chaud, les bruit résonnent dans le couloir. La chaleur rend le réel devant lui halluciné, la chaleur, les voix…quelqu’un le suit, celui qui le suit ne voit de lui que son profil au ¾, à peine quelque-chose du visage, il ne retient qu’une masse de cheveux, la carnation de la peau sur une petite surface, il a de longues jambes, il marche et dans cette vitesse, il ressent son énergie c’est tout. Sa pensée est en pause Celui ou celle marchant derrière lui n’en sait rien, ils marchent aussi derrière lui conservant une proximité raisonnable mais attirés, curieux, ils s’arrêtent, quelqu’un marche encore plus vite, les dépassent. En enfin le grand hall, quelqu’un le bouscule, une femme attend une boîte à la main, il fait si chaud pardon il marmonne, elle ne l’entend pas. Ses yeux cherchent quelque chose, se fixent ici, là. Il marche au milieu de centaine d’autres marchant aussi.
Le deuxième homme voyage de nuit. L’endroit est désert. Un virage, il braque, allume ses phares à l’entrée de ce lieu, plus un bruit maintenant. Fouiller dans son sac, en sortir des notes, chercher. Il a une adresse. Une seule. 2 heures du matin peut-être. Il perçoit le temps qui passe, ne se concentre que sur le temps. Deux heures du matin seul dans ce lieu désert dans les montagnes. Trouver, trouver cet endroit, un lieu où dormir pour la première fois. Pour combien de temps ici ? Manger quelque-chose. Le plein d’essence. D’ici demain… Arriver, gagner, atteindre, accéder.
L’autre est déjà là. Il ne le sait pas.il pense tout haut : quelqu’un arrive quelque part, ça devient un mantra, une obsession. Ça devient de plus en plus abstrait, ça se désincarne quelque part devient un lieu abstrait, une rencontre de points sur un plan ; où il n’est plus possible de s’incarner. Quelqu’un et quelque part forment un couple impossible, la destination est toujours différée, et il ressent l’impossible de la destination. Il rêve maintenant, et voit en rêve ce lieu d’en haut : ce quelque part, cette destination aurait la forme d’un estuaire, une île, de chemin vu de haut. Il essaye de prolonger le gros plan, il essaye de visualiser au plus près ce lieu de rendez-vous. Il essaye même de braquer sa caméra intérieure sur des indices particuliers comme le nom d’une route, d’un lieu-dit. Il est rattrapé par l’immensité du ciel, par l’immensité du large, et ici des collines alentour. Voit-il une forme, son comparse son double qui l’attendrait quelque part. Et il rêve de tous ces lieux où il est arrivé avant, il tente la somme des lieux et cherche leur point de rencontre. Quand apparait un autre lieu un peu fantomatique, le lieu issu des autres lieux, qui sera aussi un lieu transitoire, une halte, une étape. Il prend un carnet, un crayon, en fait une liste sommaire. Regarde autour de lui. Il aperçoit l’autre sur la même ligne médiane que lui.
Rétroliens : #L6 Choses dont on se souvient – Tiers Livre, explorations écriture