Il et elle s’embrassent ou ne se voient pas. Il dit: dans visage, il y a vie sage. Non. Vise-âge. Ce qui ne veut rien dire. Visage ne veut rien dire. Elle dit: il n’y a pas de visage impassible. Il dit: quand je médite le plus long est de relâcher un à un tous les muscles de mon visage. Ce sont les derniers verrous avant la liberté. Elle dit: quand tu me dévisages, il ne me reste que la chair. Il dit: tu es la fleur de l’estomac, la queue du chien. Elle dit: le visage fait croire aux sentiments, à celui qui le porte, à celui qui le regarde. Il dit: les visages sont des soleils, ils nous aveuglent. Des télévisions allumées dans un bistrot. Elle dit: les visages me font peur, ils permettent de cerner une personnalité trop vite pour y croire et y répondre. Il dit: aux visages, je préfère les mains. Elle dit: le visage, c’est la porte des enfers avec ces deux juges infinis incrustés au frontispice qui se ferment ou te dévorent. Il dit: qu’est-ce que des cellules qui se resserrent dans un univers en expansion? Ton visage s’éclatera comme le monde quand passera la lumière. Elle dit: quand je ferme les yeux je ne vois que ton visage ou celui de Toutânkhamon.
hé ! bon de te retrouver ici, Thibaut ! ton dialogue en va-et-vient qui fonctionne comme deux monologues gravitant autour des mêmes mots, gravitant autour des mêmes préoccupations, j’aime bien, oui ! merci pour tes mots !
un dialogue entre un myope et une hypermétrope sur leurs visages respectifs? Je n’ai pas fini de les écouter discuter ces deux-là, mais j’avais envie de leur ouvrir la porte de l’atelier sans plus tarder (et m’y faufiler discrètement en profitant de la brèche ainsi ouverte, parce que mine de rien, il fait froid dehors)
j’aime bien cette affaire de vue simultanée et distordue, à cause de globe occulaire un peu trop rond ou un peu trop plat, oui oui bonne piste et résultat entre comique et poignant,
merci Catherine, ça me fait plaisir, j’espère toujours qu’à chaque lecture, selon les angles, les empathies, l’ordre des mots, le souvenir des autres propos, on puisse se dire tour à tour qu’on était dans le comique, dans le poignant, dans le vertige entre les deux, j’aimerais tendre vers ce magma émotionnel, où on n’arrive plus à percevoir exactement où est la source, à la nommer, simplement être renvoyé à ses propres tremblements. C’est un manifeste, j’ai encore beaucoup de chemin, du travail et de l’abandon des béquilles.
Super boulot !
ça : ‘Il dit: quand je médite le plus long est de relâcher un à un tous les muscles de mon visage. Ce sont les derniers verrous avant la liberté.’
et ça : ‘Ton visage s’éclatera comme le monde quand passera la lumière.’
Vite la suite.
Merci Annick. Un écho au corps, cet exercice sur le visage.
Oui 🙂
Et le corps est un terrain d’exploration infini.
et en effleurant le visage, l’idée de visage, la réalité d’un visage, l’impossibilité de dire un visage, par l’intérieur et l’extérieur, tous les deux ils le dessinent peu à peu en creux
J’aime beaucoup votre texte, un face à face très étonnant, aux dimensions multiples , un peu comme ces jouets d’enfants , on y met un oeil, on voit certaines couleurs et certaines formes; on recommence, tout a changé
Et pourquoi pas visa-je ? Merci de m’avoir donné envie de jouer !