J’ai travaillé pendant une vingtaine d’années comme prof de français en collège tout en animant des ateliers d’écriture en médiathèque, à Firminy d’abord, puis à La Ricamarie, deux villes de la vallée minière ,qui jouxtent Saint Etienne et sont riches du passé de la mine et des arrivées de populations venues de plusieurs coins du monde.
Je me souviens que la directrice de la médiathèque, Catherine Herbertz a proposé à tous les lecteurs d’écrire un Bonjour ou le salut de leur choix dans leur langue natale et les a ensuite fait imprimer sur de beaux marques pages .
Je me souviens qu’à l’inauguration de la résidence de Jean Noël BLanc à »la Ric », Miss Ricamarie et sa dauphine étaient venues avec leurs écharpes et qu’elles étaient belles et émouvantes.
Je me souviens de l’atelier Au travail que j’avais animé à partir de la lecture de L’escalier de Jack, de Jean Cagnard ( Editions Gaia,2012). Proposition très simple; raconter sa première expérience de travail, domestique ou salarié. Beaux textes qui ont ouvert sur le passé récent ou plus lointain des participants: être ouvrière dans un usine textile, ramasser des figues dans la propriété familiale en Turquie, repasser les chemises du grand frère…Un monde se dessinait.
Je me souviens de l’atelier En ville , toujours à la Ric. Chaque samedi nous nous promenions aves un dessinateur, Denis Gontard, puis écriture à partir de Jacques Roubaud: entre autres L’heure de Proposition de François Bon , Tous les mots sont adultes, p.93-94. Les gens aimaient bien nous voir dessiner et certains étaient entrés ensuite au milieu des livres.
Je me souviens de l’atelier Bleu/Blues , avec les jeunes du Centre d’Insertion Professionnelle par Alternance. J’aurais aimé les faire participer à la constitution d’une nouvelle »Bibliothèque bleue » organisée par la médiathèque de La Ricamarie ( mon amie Catherine H. , toujours) réunissant des réalisations de plasticiens et des textes reliés par l’idée de la couleur bleue. Nous avions lu avec les jeunes adultes, des inventaires de Sei Shonagon, essayé de deviner qui il ou elle était, l’époque à laquelle elle/il vivait ou avait vécu. Lecture très riche des indices. Travail ensuite sur les expressions pour dire l’angoisse, l’anxiété ( le cafard, le bourdon mais aussi plus local la lourde, broger…) Ecoute de quelques bluesmen ( trucs de vieux puis pas si mal finalement , merci Champion Jack Dupré, Muddy Waters). Proposition; ce qui fait bleu, ce qui fait blues, inventaire de chaque côté d’une feuille d’un support papier canson .
Beaux textes mais un peu triste de les avoir présentés seule le jour de la petite fête d’inauguration à la médiathèque. L’atelier n’avait pas suffi à réduire les distances.
Je me souviens d’un atelier poésie avec des quatrième d’insertion. Je travaillais en binôme avec un jeune collègue trop beau avec ses baggy et son catogan et nous avions décidé d’écrire dehors, dans la cour du collège , de tenter une sorte de réappropriation des lieux où ils n’avaient plus envie d’être. A partir d’un texte de Georges Duhamel pioché dans un manuel et détourné , Inventaire de mon silence, nous avions écouté les bruits ( c’est de la poésie, ça , madame?), puis fait d’autres inventaires ,odeurs en particulier, ( On peut dire ce qui pue?). Après d’autres ateliers en classe , un recueil: le ciel s’effiloche comme un champignon. Et les questions de ces ados étonnés de nous voir rire à la pause de midi. C’est votre fils, madame? Non, juste un compagnon de travail. Oui on peut être bien ici.
De telles expériences réconcilient avec la vie les épreuves, font sortir de l’enfouissement l’engourdissement. On n’est plus en bord de route quand on vous a connue. Bravo pou tous ces magnifiques projets auprès des jeunes and Cie
Merci Françoise .
Quel beau chemin que le vôtre, merci pour l’émotion à vous lire, pour toutes ces belles rencontres que vous nous faites partager et pour toutes ces pistes d’écriture à explorer.