Savoir se poser ne pose pas question. Pas de cervelle pour formuler question ou assertion. On se pose. Sur quelque chose qui repose du ciel traversé, de la vitesse avalée bec fermé, du frais dans les plumes et dans les yeux, pattes collées au corps. Quelque chose qui s’appelle sol si le sol n’appelle pas la platitude absolue. Car ce sol est mou et encore frais – soleil à peine visible –, les trois doigts palmés y sont parfaitement adaptés et ne s’y enfoncent pas. Sable salé souvent décevant. Pour la faim. L’œil capte un petit cylindre qui pris en bec s’avère non comestible. Pitance et repos retrouvés, on n’est pas à l’abri d’une querelle avec les pigeons. Sitôt les premiers humains arrivés, on reprend de l’altitude au-dessus du bleu.
Savoir plonger ne pose pas question. La faim appelle à plonger dans le bleu. Un bleu qui ne peut faire sol. On ne peut s’y tenir debout car on ne connaît pas le mot miracle. On cherche créatures comestibles. Une fois le bleu incisé de tout son corps, on a très peu de temps pour attraper sa proie salée. On sort de la mer pour envisager le ciel comme un sol. Mais un sol où ne l’on ne peut se poser. Un sol à traverser au-dessus du bleu. Filer vers quelque chose qu’on ne pense pas mais qu’on sait être vital, comme le mouvement. S’abstenir de tout sol. Un rêve humain.
Savoir marcher ne pose pas question. Ça va de soi. Ça marche ou ça marche pas. Une petite fille de deux ans et demi marche sur la plage. Les deux mains dans celles des adultes, les bras levés, elle ne veut pas qu’on lui impose le rythme et la manière. Les parents comprennent et la lâchent. Lentement, elle enfonce un talon dans le sable puis très rapidement bascule le poids du corps sur l’avant. Elle expérimente plusieurs fois le procédé. Elle se retourne pour observer le trou de son empreinte et tombe. Elle se demande si l’expérience vaut la peine mais son oreille capte un son fort et régulier qui attire son attention. La vague vient vers elle, délivre son écume et repart en chercher plus loin. Elle se remet debout, marche et court vers la vague qui revient. Elle s’immobilise et lorsque la vague se retire. Elle observe que les talons s’enfoncent encore plus profondément dans le sol et qu’à l’avant du pied, c’est dur. Une vague plus forte la fait tomber. Elle rit et joue un moment avec les vagues. Reprend son expérimentation sur les sols : du sable mouillé serré vers le sable sec puis du sec vers le mouillé, elle comprend qu’il est plus aisé de marcher sur le sable mouillé. Mais quand elle s’avance trop le sol se dérobe… Elle tombe dans l’eau, en avale et les parents accourent.
Au retour de vacances, elle ne marchera plus les pieds en dedans. Les parents seront contents d’avoir suivi les conseils du médecin.
oh quelle merveille cette description des premiers pas (et dans le sable en plus !)
en fait pas les premiers pas mais presque… je marchais les pieds en dedans et plutôt que les semelles ou chaussures orthopédiques le médecin avait prescrit à mes parents des vacances sur une plage de sable (ce fut Le Moulleau près d’Arcachon)
(c’est l’été, pas vrai ?) (j’ai pensé à ces milliers d’oiseaux qui volent de concert, comme ces anchois qui nagent aussi ensemble – pour former des nuages des nuées des théories) (la môme est adorable)
je confirme l’été, les oiseaux (j’adore l’analogie avec les anchois) de concert… en revanche la môme a piqué des colères mémorables…