La 404 vert bouteille venait le cueillir à la sortie de l’école, il s’y engouffrait en se prenant les pieds dans les paniers, celui destiné à la mère Potier chargée d’ aérer la maison, celui des vivres pour le week-end, et tout un fourbi jeté dans l’habitacle à la dernière minute, imperméables, gilets, draps propres… et puis on traversait la Marne par le pont, on longeait les studios où parfois un lâcher de figurants en costume « d’époque » conversait dans une allée, on traversait les dernières cités banlieusardes et leur habitat à étages jusqu’à emprunter la nationale. La plus rectiligne, la plus ennuyeuse des routes sciait entre deux rangées de platanes le plus plat et le plus soporifique des paysages. Les dépassements étaient risqués, les vendredis et dimanches soirs fortement encombrés et les conducteurs pressés d’aller s’aérer et de profiter du calme de la campagne roulaient à tombeau ouvert (se repésenter la chose…). Lui aussi, qui vociférait sans cesse derrière son volant, contre tous ces connards en liberté, adeptes des queues de poissons (Quels Poissons?…). Les champs succédant aux champs, champs verts ou blonds ou de labours gras et mécaniques à l’infini, fendu par le ruban goudronné où les voitures succédent aux voitures parmi lesquelles il faut dénombrer les rouges, et puis les bleus, et puis les blanches (trop facile !) Au kilomètre 47, on traverse Rosay-en-Brie qu’on n’a bien sûr jamais visité mais on reconnait ses façades écaillées au bord de la route et ce nom annonce qu’on a déjà fait plus de la moitié du chemin, au kilomètre 83, c’est-à-dire à 77 km du point de départ, la nationale coupe en deux un petit village : c’est là. A gauche, une butte surplombée par l’église médiévale, à droite, un creux longée de prairies à vaches en direction d’un deuxième morceau du village tandis que des maisons s’égrènent encore le long de la nationale, puis le café tabac, puis l’hôtel-restaurant « la Chaumière » après quoi reprend le double alignement des platanes. La 404 tourne à gauche grimpe en passant devant la petite mairie-école vers l’église, et sur sa place herbeuse, stoppe devant la maison dite de campagne, à la porte de laquelle attendent déjà deux gamins enchifrenés en short de nylon, dont la maison non dite « de campagne » puisqu’ils y vivent à l’année lui fait face, c’est une longue et grande bâtisse dont seulement deux fenêtres donnent sur la rue, celle du vieux avec ses cages à oiseaux, et une fenêtre close de planches de bois, celle de la grange dont le toit est écroulé. A peine sorti de la voiture, il suit les deux gamins.
Vraiment super ce texte sur les chapeaux de roue, on voit tellement la route, les champs et ces » deux gamins enchifrenés en short de nylon « . Merci Catherine
Merci Muriel, tant que ça roule…