Ces messieurs me disent vous êtes trempées jusqu’aux os je ne sais pas si l’eau arrive jusqu’à mes os, ces messieurs me disent ça va aller maintenant, mais est ce que ça va aller maintenant, alors que ça n’allait jamais avant ? Est-ce que maintenant que l’eau est rentrée, que l’eau monte jusqu’aux os, et qu’on vous a mis une couverture sur le dos, ça va aller maintenant ? ils me disent des choses que j’ai déjà entendu, déjà entendu avant. Ces messieurs sont différents, la salle n’est pas celle de l’enfant. L’enfant est installée sur un fauteuil vert et il y a un tapis par terre, celle d’aujourd’hui est assise sur un banc comme sur rien, je ne sens plus rien, les messieurs d’avant posaient moins de questions mais leur visage avaient plus de compassion. Celui d’aujourd’hui ne sait pas quoi faire, et je me tais – et je ne sais pas si l’enfant, était dans le silence, je ne peux pas me rappeler si des mots sont sortis, dans la salle du petit tapis. Ici, sur le banc de rien que je ne sens pas les mots ne sortent pas, et eux, ils attendent que je leur donne ça parce qu’ils veulent, les messieurs des commissariats veulent aider ceux pour qui ça ne va pas, mais est-ce qu’on peut m’aider maintenant moi – celui de la pièce au tapis, avait des sourcils comme des buissons je me souviens – et celui d’aujourd’hui a juste une fossette sur le menton – celui d’hier et celui d’aujourd’hui sont les même tête de fer et les même yeux tristes, ils attendent que la petite fille leur dise – dans la pièce au tapis vert je me suis tue je me souviens – et l’eau ne peux pas monter jusqu’aux os maintenant on en convient, ils disent des choses comme ça des expressions toute faites parce que, qu’est ce qu’on peut dire dans des moments comme ça – pour pas brusquer l’enfant, ou la femme aujourd’hui – ce n’est pas le moment de poser des questions – alors on dit des choses qui sont comme si on n’avait rien dit, des choses toutes faites qui servent à passer l’ennui – celui en face se retourne souvent et fait comme si il sortait de la pièce pour parler à quelqu’un, mais je sais que derrière la porte, en fait, il n’y a rien. La porte s’ouvre et – j’ai froid – et l’eau jusqu’aux os donne froid – et derrière il n’y a rien, c’est un décor de cinéma pour des choses qui n’existent pas, ailleurs que dans l’esprit des réalisateurs – derrière la porte il y a des câbles surement, et beaucoup de matériel, des femmes en jupe plissés qui écrivent sur des carnets, celles qui regardent tout mais ne disent rien, et d’autres messieurs que je ne rencontre pas, ceux qui font attention au son et à l’image, qui font attention à moi, même quand je ne parle pas – alors celui là sort de temps en temps, il ferme la porte et reste derrière, il attend tout seul et même peut-être qu’il fait froid, qu’il y a comme une petite fumée qui sort de lui quand il respire – dans la pièce au tapis vert il faisait chaud et je ne savais pas non plus ce qu’il y avait derrière la porte – la scène se rejoue deux fois – et moi j’ai tellement froid.
« derrière la porte il y a des câbles surement, et beaucoup de matériel, des femmes en jupe plissées qui écrivent sur des carnets, celles qui regardent tout mais ne disent rien, et d’autres messieurs que je ne rencontre pas, ceux qui font attention au son et à l’image, qui font attention à moi, même quand je ne parle pas – alors celui là sort de temps en temps, il ferme la porte et reste derrière »
Merci pour ce texte qui souligne ce qu’on devrait voir dans ces reality show et qu’on ne voit plus. La solitude et l’impuissane à rendre compte de ce qui se joue réellement et individuellement dans toute catastrophe …
Merci Marie-Thérèse pour ce retour qui me permet de me rendre compte de ce que le texte fait, en tout cas ce que j’essayais de faire, floutter cette frontière entre réel et la mise en scène, ou la confusion du personnage est rendue par ce flou