Sait-on quelque chose des lectures de Jane ? À t-on idée de sa bibliothèque ? À l’âge d’apprendre a-t-elle fait preuve de talent ou a-t-elle répété ses séries avec application ? En combien de temps l’alphabet arabe devient-il familier ? Que faut-il d’efforts pour se mettre à lire couramment ? Peut-on lire sans écrire en même temps ? Assise sur quels genoux la petite Jane a-t-elle, un jour, dit Regarde je sais lire, et penchée sur sa page, ses lunettes au bout du nez, ayant lu, reçu en récompense une belle robe de dentelle. Quand a-t-elle commencer à lire les philosophes ? Et dans quel ordre ? Qu’elle ait arrêté de lire les journaux est une évidence, elle ne lit plus que ceux que lui apporte Tarik, et elle ne s’intéresse qu’à ses articles à lui. Une occasion de rire. Il est si malin pour éviter la censure, la Commission est imbue et ignorante laisse passer l’insolence cachée dans les métaphores, les fables et les doubles niveaux de langage. Ils rient ensemble. Pour s’amuser en étant sobre il faut de vraies drôleries, des resorts de langage et des mécaniques bien enchaînées, qu’on raconte plusieurs fois jusqu’à rire aux éclats, les filouteries de Tarik sont cet excitant, comme l’effet de balle d’une raquette habilement mariée. Et Nietzsche, dans quelle langue Jane l’a-t-elle découvert ? En arabe à 14 ans ? En traduction anglaises une fois étudiante ? Par quel sentiers étroits est- elle passée pour en faire son sujet d’étude ? Sa noirceur et son mépris des femmes, pourquoi ne l’ont-ils pas rebutée ? Quand elle a cessé recherche et enseignement, a-t-elle cessé de lire Nietzsche ou seulement la nuit pendant les insomnies ? Sait-on quelque chose des livres que Jane prend et pose à côté d’elle, yeux au loin, dans l’écho des voix perdues qui l’accompagnent ?
Prendre la consigne par la question ; ça me rappelle cette frustration agréable de voir quelqu’un lire, de chercher à voir la couverture de son livre, mais pas trop, pour ne pas être désobligeante, d’être exclue du monde où il plonge, un peu jalouse. Merci Catherine.
Il est très beau ce portrait de Jane qui lit ce que son ami lui rapporte. Merci Catherine, et tout ce qui ne se dit pas mais qui s’en dégage.
La question me taraude aussi : que peut-on savoir des lectures d’un personnages ? Et les autres questions que tu poses sont profondes, les modes d’apprentissage, la philosophie, le maniement du langage pour échapper à la censure et gagner la liberté. C’est un très beau texte.