Ce pourrait être un aquarium, posé là en plein cœur du grand bâtiment. C’est juste une salle de réunion, petite et peu aérée. L’hiver, il est recommandé d’y entrer avec un paletot et l’été on y suffoque. On y vient parce qu’elle est affectée, c’est-à-dire que n’y vient pas qui veut. Il faut en passer par l’assistante du « boss » et elle joue son rôle de cerbère avec maestria. Ce jour-là, quatre personnes s’y trouvent, trois hommes et une femme. Ils ont des responsabilités dans l’entreprise .Leurs tenues et surtout leur mines graves que démentissent mal leurs sourires esquissés en témoignent. Ces gens là pensent stratégie et orientations. Pour les autres, surtout. Ils s’observent et se testent pendant que l’un d’entre eux, celui que les trois autres appellent le « boss » non sans dérision, expose l’objet de cette rencontre. Ils sont quatre. Ils sont habituellement une bonne douzaine, à l’instar des apôtres. Il sollicite leur avis sur un sujet important. La participation et la coopération sont ses mantras. Il pense, en son for intérieur, parvenir sans difficultés à orienter la décision vers ce qu’il a en tête. Mais bon, on ne sait jamais. Parfois, les mâchoires du piège se referment sur celui qui le pose. Il y a une femme, jeune et jolie, soucieuse de sa carrière et de l’effet qu’elle produit sur les trois mâles qui l’entourent. Elle est sûre que le « boss » l’écoutera avec plus d’attention que ses deux collègues. Elle en éprouve de la satisfaction, mais de la gêne aussi. Elle ne devrait pas, surtout pour la gêne. Un autre participant est chargé de communication. Lui, estime que sans lui et ce qu’il sait être un art, toute stratégie, même excellente, est vouée à l’échec. Il jubile d’être là et peaufine dans son for intérieur ses arguments et contre-arguments. Bien qu’il ne sache pas encore de quoi il s’agit. Il sait , et ça lui suffit, que son raisonnement vaut pour tous les sujets, sans exception. Il doit être attentif aux propos des uns et des autres et surtout à ceux du boss afin s’il en est besoin de soigner sa partition et ses modulations. Le dernier de la « bande des quatre » ,ainsi que les dénomment entre eux les huit autres collègues absents, tient les cordons de la bourse et même un peu plus. Il est en charge des « ressources », et sans ressources, hein, aucune stratégie, si bien pensée soit-elle, ne peut tenir la route. C’est dire si le « boss » va devoir se démener pour le séduire. Sa faille, c’est le penchant qu’il éprouve à l’égard de sa jeune collègue. Il se dit qu’il la laissera parler en premier pour exprimer son accord avec ses propos. Quel que soit leur impact sur les « ressources ». L’idéal serait qu’il puisse ne pas déplaire, in fine, au « boss » tout en augmentant son capital séduction auprès de la collègue jeune et jolie. Pas facile du tout ! Et ce fichu chargé de communication qui pourrait tout bousiller car il en pince aussi pour la collègue, ça se voit. Etre « boss » c’est un sacerdoce, on le sait.
Quelle belle description des supercheries humaines !
un boss qui prend le temps d’étudier autant dans le détail ses collaborateurs, une perle par les temps actuels ! à moins que ce soit un boss qui s’ennuie en réunion…