#été2023 #lire&dire | les autres à lire… mais comment ?

Je lisais l’avenir dans des bulles de savon. Je jetais des ballons dans l’air, des cerceaux, des cerfs-volants, pour quitter le monde, J’en fis des escalades pieds sur terre. Je prenais modèle sur les braves gens qui se démènent et s’empressent de dire : « Je vous quitte j’ai beaucoup d’ouvrage. » J’imaginais douceur et douleur dans les roses de bruyère, petit feu, parvis d’étoile. Navires et buissons, saisons migratoires. Sagittaires des ravins, écorces, mouchoirs brodés d’initiales grandies dans le val bruni des fougères. Je vivais de la sciure et de la roue d’aube des moulins, des tuiles d’ardoise grise et du jour archonte des brumes. Je me crus un temps capable de guérir le calvaire des gens qui n’ont rien. C’est un conte, une fable, croyais-je, ce n’est pas possible autrement.

PATRICK LAUPIN LA MORT PROVISOIRE rumeur libre editeur mai 2022

Vous lanciez vos pages en l’air comme des papillons débridés et voilà que je commençais à vous lire. Vous m’étiez toutes et tous à peu près inconnu.e.s , à quelques exceptions près, et il y avait peu de chances que nous puissions nous rencontrer dans la vraie vie. Vous lire était une possibilité que je n’étais pas certaine de tenir dans la durée, ni de manière aussi attentive que je le voudrais. Dans l’idéal j’aurais aimé vous consacrer un temps égal et vous dire quelque chose de très personnel en guise de preuve de réception bienveillante. C’est, vous le savez, une question de disponibilité d’esprit et de temps délibérément libéré,au détriment d’autres façons d’occuper les heures de nos vies. Pourquoi vous lire vous, plutôt que des gens dont c’est devenu le métier principal,et dont les mérites sont répertoriés dans les chaînes culturelles de promotion de l’écrit à but lucratif ? Pourquoi vous et pas d’autres, pourquoi d’autres et pas vous ? Je suis incapable de répondre correctement à cette question.Si je tombais dans la poésie ( ce qui m’est pourtant très familier) je dirais que j’aurais succombé à une injonction presque infantile : VIENS VOIR… viens voir ici si j’y suis ! C’est ce que j’entends d’abord de chacun.e de vous. Alors pourquoi pas ? Ma démarche est sincère et elle est temporaire. Ne pas s’en offusquer.

Je te vois

avec parfois le doute

que ce ne soit

pas toi

[…]

Je te dévisage

jusqu’à ce que s’ouvre

une porte possible

[…]

Je suis ton regard

avalé par le ciel

entre Vénus et Mars

[…]

Mots

de ventre

ou

Mots

de tête ?



alain helissen viens voir LIVRE D’artiste (unique) mai 2023

LIRE L’AUTRE c’est accepter de franchir son seuil bien en amont d’une rencontre incertaine ou parfois désirable. Le temps aigu ou tranquille d’une connivence ou d’une incompréhension se profilent et il suffit parfois de n’être qu’une abeille sur la gelée gourmande des mots.

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

3 commentaires à propos de “#été2023 #lire&dire | les autres à lire… mais comment ?”

  1. toutes nos démarches sont provisoires, fondamentalement, et dans ce provisoire, se croiser, se lire, parfois écrire ce que cela fait de lire les autres, sans attente en retour, butiner les mots d’autrui et aussi n’en rien dire