Je lisais l’avenir dans des bulles de savon. Je jetais des ballons dans l’air, des cerceaux, des cerfs-volants, pour quitter le monde, J’en fis des escalades pieds sur terre. Je prenais modèle sur les braves gens qui se démènent et s’empressent de dire : « Je vous quitte j’ai beaucoup d’ouvrage. » J’imaginais douceur et douleur dans les roses de bruyère, petit feu, parvis d’étoile. Navires et buissons, saisons migratoires. Sagittaires des ravins, écorces, mouchoirs brodés d’initiales grandies dans le val bruni des fougères. Je vivais de la sciure et de la roue d’aube des moulins, des tuiles d’ardoise grise et du jour archonte des brumes. Je me crus un temps capable de guérir le calvaire des gens qui n’ont rien. C’est un conte, une fable, croyais-je, ce n’est pas possible autrement.
PATRICK LAUPIN LA MORT PROVISOIRE rumeur libre editeur mai 2022
Vous lanciez vos pages en l’air comme des papillons débridés et voilà que je commençais à vous lire. Vous m’étiez toutes et tous à peu près inconnu.e.s , à quelques exceptions près, et il y avait peu de chances que nous puissions nous rencontrer dans la vraie vie. Vous lire était une possibilité que je n’étais pas certaine de tenir dans la durée, ni de manière aussi attentive que je le voudrais. Dans l’idéal j’aurais aimé vous consacrer un temps égal et vous dire quelque chose de très personnel en guise de preuve de réception bienveillante. C’est, vous le savez, une question de disponibilité d’esprit et de temps délibérément libéré,au détriment d’autres façons d’occuper les heures de nos vies. Pourquoi vous lire vous, plutôt que des gens dont c’est devenu le métier principal,et dont les mérites sont répertoriés dans les chaînes culturelles de promotion de l’écrit à but lucratif ? Pourquoi vous et pas d’autres, pourquoi d’autres et pas vous ? Je suis incapable de répondre correctement à cette question.Si je tombais dans la poésie ( ce qui m’est pourtant très familier) je dirais que j’aurais succombé à une injonction presque infantile : VIENS VOIR… viens voir ici si j’y suis ! C’est ce que j’entends d’abord de chacun.e de vous. Alors pourquoi pas ? Ma démarche est sincère et elle est temporaire. Ne pas s’en offusquer.
Je te vois
avec parfois le doute
que ce ne soit
pas toi
[…]
Je te dévisage
jusqu’à ce que s’ouvre
une porte possible
[…]
Je suis ton regard
avalé par le ciel
entre Vénus et Mars
[…]
Mots
de ventre
ou
Mots
de tête ?
alain helissen viens voir LIVRE D’artiste (unique) mai 2023
LIRE L’AUTRE c’est accepter de franchir son seuil bien en amont d’une rencontre incertaine ou parfois désirable. Le temps aigu ou tranquille d’une connivence ou d’une incompréhension se profilent et il suffit parfois de n’être qu’une abeille sur la gelée gourmande des mots.
« n’être qu’une abeille » ce serait déjà beaucoup . Merci.
et vous êtes experte Marie-Thérèse (jusqu’à débusquer ce qu’on ne savait avoir pensé)
toutes nos démarches sont provisoires, fondamentalement, et dans ce provisoire, se croiser, se lire, parfois écrire ce que cela fait de lire les autres, sans attente en retour, butiner les mots d’autrui et aussi n’en rien dire