Je relis moi aussi le riche texte de Catherine Serre, « s’entendre écrire ». L’histoire que raconte Catherine résonne chez moi aussi. Mais c’est le titre qui me fait galoper dans mes souvenirs.
Chez mes parents où je vivais lorsque j’étais enfant et adolescent, le téléphone de la maison se trouvait à côté de la porte de ma chambre. Tant et si bien que mes grasses matinées dominicales étaient liées à l’activité téléphonique de la maison. Mon père, journaliste localier, était aussi correspondant local de quelques médias de la capitale, Le Monde et l’AFP si je me souviens bien. Bien que marseillais jusqu’au bout des ongles, mon père n’avait beaucoup d’accent. Ou peu. Je le soupçonnais de travailler au lissage de son élocution, à la neutralité de son verbe. C’était un homme cultivé pour qui le paraître avait son importance et il ne voulait pas parler comme une poissonnière. Le dimanche matin était le moment où il téléphonait ses articles à ces médias parisiens. J’ignore pour quelles raisons il choisissait cet instant précis mais j’ai le souvenir qu’il m’a réveillé tous les dimanches de mon enfance. Il dictait sa prose à une sténo-dactylo à l’autre bout du fil et je profitais bien malgré moi de sa lente lecture, des liaisons forcées et de l’épellation systématique des noms propres façon alphabet radio : A comme Anatole, D comme Désiré, U comme Ursule… Je ne me souviens plus du contenu de ses dictées, je crois même que je ne cherchais pas à en comprendre le sens. Ce que je me souviens, par contre, c’est de l’accent qu’il prenait au téléphone. Un accent pointu à l’excès, une imitation grossière et pagnolesque. Enfant, j’ai longtemps cru que l’écriture avait cet accent-là. Je me suis même fait punir à l’école par mon instituteur qui m’avait demandé de lire ma rédaction et qui croyait que je me moquais de lui (Monsieur Viguier n’était pas de la région). Plus tard, à l’adolescence, à l’âge où on peut encore se persuader que son père est un héros, je croyais qu’il faisait ça par bravade. C’était rien de tout ça, c’était juste la façon qu’avait mon père de dicter ses articles au téléphone.
Une écriture avec un accent, j’aime encore l’idée.
oh j’adore ! merci
Un texte al dente pour un jour de fête de pères, dans une souvenance très sonore. Les chiens font pas des chats ? « Une écriture avec un accent » ça ne s’oublie pas. La voix caméléon s’apprend en société ? Puis la nature reprend plus ou moins le dessus. https://www.google.fr/search?q=L%27ACCENT+MARSEILLAIS&source=hp&ei=6t2OZOnLHbbb7_UPjNqSoAY&iflsig=AOEireoAAAAAZI7r-n5RZhV_QeGrwkJfxpCPwOsWOyZF&ved=0ahUKEwjp6KzNz8z_AhW27bsIHQytBGQQ4dUDCAo&uact=5&oq=L%27ACCENT+MARSEILLAIS&gs_lcp=Cgdnd3Mtd2l6EAMyBQgAEIAEMgUIABCABDIICAAQFhAeEA8yBggAEBYQHjIGCAAQFhAeMgYIABAWEB4yBggAEBYQHjIGCAAQFhAeMgYIABAWEB4yBggAEBYQHjoICC4QgAQQ1AI6CwguEIAEEMcBENEDOgUILhCABDoECAAQHjoGCAAQBRAeOgYIABAeEAo6CQgAEAUQHhDxBDoFCAAQogQ6BQghEKABOgcIIRCgARAKOgQIIRAKOgYIABAHEB46CAgAEAcQHhAPOggIABAFEAcQHjoGCAAQHhAPUPcDWLFcYJVxaANwAHgAgAGBAYgB9BOSAQUxMi4xM5gBAKABAbABAA&sclient=gws-wiz#fpstate=ive&vld=cid:ee98b622,vid:64bZxs22MLY
on l’entendrait presque, et comprendre l’émoi plusieurs décennies après… belle entrée en matière, merci Jean-Luc !