laissant en arrière le brouhaha du marché pour filer en diagonale vers le fond de l’esplanade aboutissant sur l’avenue avec l’afflux incessant de vélos, de vieilles mobylettes, de pick-up chargés de sacs et quand ils freinent au feu les grincements, les cliquetis des sonnettes, les klaxons, parfois des injures suivant les corps traversants pressés de franchir la chaussée, de rejoindre l’autre trottoir pour s’engouffrer dans la longue rue, tellement plus longue au retour qu’à l’allée, comme chacun.e le sait longeant les échoppes au pied d’immeubles souvent délabrés ou en voie de délabrement, échoppes d’informatique et de téléphonie de troisième voire de quatrième main, de serrurerie, quelques boutiques de fripes et les épiceries ouvertes la nuit comme le jour, les cagettes de mangues de pommes de citrons posées sur le trottoir, les chapelets d’ail et de bananes suspendus aux auvents, là une petite table dépliée à côté de l’entrée avec deux tabourets, et les bazars fourre-tout, ces minuscules bric-à-brac pleins à craquer, l’ouverture bordée de bouquets de ballons de toutes les couleurs, étalant sur le trottoir des jouets de plastique rouge, bleu et jaune et des bouées en forme de canards ou de crocodiles, des boîtes de ventilateurs empilées les unes sur les autres avec au sommet le modèle exposé, des cartons remplis de pince-à-linges, de mugs, d’égouttoirs, des batteries de casseroles logées dans des bassines rondes entassées les unes sur les autres et tant d’autres choses encore il y a devant sa boutique un commerçant qui balaie la poussière, plus loin devant un take away une femme âgée assise sur un cageot remue un éventail décoloré aux pivoines rouges cernées d’ombres blanches et grises en secouant la tête inlassablement s’essuyant le front alors que l’accumulation générale s’espace, que le soleil trouve un angle d’attaque entre les rangées d’immeubles, de plus en plus d’arbres, heureusement, alternent le long du trottoir, principalement des robiniers et des magnolias, avec quelques prunus fleurissant en avril sous l’uniformité de nouveaux bâtiments, plus hauts, sans échoppe au rez-de-chaussée, des tours lisses entre lesquelles se faufilent de nouveaux jardins et peut-être de nouveaux deals, des tours si hautes qu’entre elles la maison – un étage seulement – semble étouffée, menacée, en tout cas incongrue, une survivance d’un autre temps, pour combien de temps encore ? mieux vaut ne pas y penser, mais comment s’en empêcher quand on pousse l’étroite grille qui grince qu’on monte les quatre marches avant de franchir la porte d’entrée souvent ouverte durant le jour
Le rythme de la phrase saisit et entraîne par sa proximité avec le rythme du quartier que décrit cette même phrase.
Merci beaucoup Laure pour ce retour, une indication précieuse car je n’ai pas tout à fait réussi à faire ce que je voulais
on s’engouffre avec toi tout au fond de l’esplanade, personnages noyés dans la description, enveloppés, et nous avec, nous « faufilant vers de nouveaux jardins »
ainsi ce petit signe vers toi, Muriel
Grand merci Françoise pour ton passage et ton signe
Oh je crois y être aussi
Rappel des rues et venelles de Fort de France ou autre ville anciennement coloniale, la chaleur des tropiques l’amoncellement d’objets plantes fruits existences multiples tout y est, j’adore !
oui c’est tout à fait une ville tropicale post coloniale (en partie fictionnelle) que je souhaite évoquer. Merci Gwenn !