La première partie de ton travail consiste en la collecte de tout ce que tu peux trouver sur John. Remonter les pistes, tirer sur les ficelles qui se présentent déjà à toi, démêler, classer. Amasser. Les oiseaux, les dessins, la montagne. Amasser. Du papier, des rencontres, des témoignages, des impressions en te rendant sur les lieux. Tes impressions dans ces endroits où il a vécu, les odeurs, les lumières, les sons, les bruits, les échos. Il faudrait pour bien faire que tu puisses y passer toute une année entière, dans ces montagnes, dans ce chalet, au milieu de ces dessins, des gens qui l’ont connu, qui peuvent te parler de lui et te diront des choses en rapport avec le temps, avec le dehors, avec l’esprit du lieu, ou les esprits du lieu. Avec le temps qui dure, qui use ou envenime. Avec les champignons, les châtaignes grillées, les balades dans la neige, le repérage des traces, les brumes et le brouillard, le froid qui gèle les doigts, le printemps qui arrive, les premières primevères, pionnières sou suicidaires, c’est la suite qui dira, les fleurs et puis les feuilles, les oiseaux qui s’installent, qui chantent et qui posent presque pour qu’on puisse les croquer, les herbes de l’été qui craquent quand elles sont sèches, les balades là-haut pour retrouver le frais dans les lacs de montagne, les soirées aux étoiles, en attendant l’automne, châtaignes et champignons. L’année en bord de mer, tu l’as déjà vécue quand tu photographiais pendant qu’il observait. Mais il faudrait encore refaire une autre année avec les pieds dans l’eau, et puis prendre des notes, pouvoir mettre des mots et faire d’autres photos, délaisser les oiseaux pour ceux qui les observent, faire un pas en arrière, compléter par du temps pour dire avant après et puis devant-derrière puisque sur les photos il manquera toujours l’autre moitié du monde