scène liminaire de Comanche, je me suis demandée si elle ne pourrait pas ouvrir le deuxième projet d’écriture, depuis un point du vue extérieur.
Il n’y eut pas de cortège, dans les voitures la famille et les amis se sont distribués autour de ceux qui avaient la force de conduire, partant des quatre coins de la ville, pour prendre la route du cap, puis la départementale en direction de San Martino. Lente progression sur la route sinueuse sous le bleu implacable d’août. Le monde bascule tout doucement, se soulever de la terre dominant maintenant les toits de lauze des maisons en contrebas, la route du cap minuscule, assourdie par la distance, se rapprocher du ciel tandis que la baie reflète une lumière toujours plus vive. Deux cyprès gardent l’entrée du cimetière. Devant la grille, le corbillard gris et beaucoup de monde — c’est l’été, les familles sont toujours plus nombreuses en cette saison où les enfants rentrent au pays. Les voitures se garent sur le dégagement aménagé de l’autre côté de la route. Rejoindre des cousins oubliés, des amis de toujours, s’effarer devant la défaite des visages, étreindre des corps, retenir des larmes, fuir. Entrer dans le cimetière, marcher lentement entre les pierres et les caveaux jusque devant l’enfeu, embrasser du regard la mer étale, les chênaies et le maquis silencieux. La beauté du lieu impressionne sous le soleil insistant, presque une consolation. Et puis des mots. Sa fantaisie, son appétit, son courage, sa jeunesse, des larmes enfin versées. Le cercueil est glissé dans la pierre du caveau, il n’y a pas de terre. Les joues se creusent, les yeux se ferment, la chaleur monte, blanchit le ciel. Au large, la silhouette mauve de l’île d’Elbe, et le soleil qui perle la surface de l’eau.
Oui, cette scène liminaire est assez forte pour porter un second projet. Alors, depuis l’émotion du dedans, ou le regard extérieur de la présente ré-écriture ?
ah Laure, je crois que je n’ai pas fini de me poser cette question, il faut surtout que j’ouvre des espaces pour écrire, ou au moins compiler ces fragments corses que je trimballe, écrits en atelier en parallèle de Comanche, merci pour cet encouragement.